Le jeune Nathan, dix-sept ans, assis à une table de la bibliothèque, entouré de ses amis pour une fois studieux à l’approche des examens, jette le livre de métamorphose d’un geste rageur. Depuis un an, il avait beau suivre des séances de psychothérapie pour traiter sa dyslexie, il ne parvenait toujours pas à lire un texte à la même vitesse que ses camarades de classe, qui avaient pourtant déjà deux ans de moins que lui.
-Mille Gorgognes ! J’abandonne !!
Se reculant dans le dossier de sa chaise, les bras croisés, il observa ses copains lui jeter des regards ahuris.
-L’examen est demain ! Allez, un petit effort…
Furieux, Nathan l'assassinat d’un regard avada kedavradesque et se leva d’un bond.
-Nan… je quitte Salem. Pour de bon.
Faisant virevolter sa cape sur ses épaules d’un geste théâtrale involontaire (ou pas, il s’était également inscrit au cours de théâtre amateur à Boston l’été passé), il tourna les talons et ne regarda pas en arrière.
***
L’information n’avait pas directement atteint son cerveau. Sa petite fille, allongée dans les draps blancs de l’hôpital, ne bougeait pourtant plus. Elle s’était éteinte dans son sommeil, pendant que lui et son épouse dormaient à ses côtés. Une nouvelle forme de Dragoncelle, plus virulente que sa version précédente à laquelle on avait pourtant trouvé un traitement il y a plus de trente ans. Comment était-ce donc possible ? La joue de Rosie était déjà froide quand il l’effleura d’un geste doux mais son cerveau refusait d’admettre l’impossible. Elle avait été amenée ici en urgence mais jamais, jamais on leur avait expliqué la situation critique dans laquelle elle se trouvait… Son propre père avait eu la Dragoncelle a dix ans et s’en était parfaitement rétabli !
Doucement, il se saisit de son épaule et la secoua.
-Ma chérie… ma chérie, réveille toi…
A côté de lui, son épouse, dont les jambes ne parvenaient plus à la soutenir, avait posé sa tête contre la poitrine qui ne se soulèverait plus jamais de leur petite fille de treize ans. Etait-ce son imagination ? Les lèvres de Rosie était comme étirées dans un sourire. Elle lui faisait une blague, comme toujours, elle adorait tellement charrier son papa.
Il la secoua un peu plus fort et un Médicomage lui attrapa le poignet.
-Monsieur Stanic, je suis désolé.
-Non, non, non.
-Monsieur, elle est morte. Nous n’avons rien pu faire. C’est une variante de la maladie qui nous était jusqu’alors inconnue et…
-NON ! Hurla-t-il plus fort, refusant d’entendre les maigres explications qu’il allait lui fournir, se dégageant violemment de sa poigne.
Son épouse, toujours prostrée, se releva légèrement et lui attira sa tête près de la sienne. C’est là, lorsqu’il n’entendit plus son coeur battre, qu’il se mit à sangloter.
C’était il y a quatre ans.
***
Les yeux perdus dans un souvenir d’un temps plus heureux, Nathan pensait à ce que lui avait dit Flora Hamilton. Ses promesses lui avaient redonné espoir : un jour, il allait pouvoir resserrer son enfant dans ses bras. Peu importe les sacrifices qu’il faudrait pour réaliser l’impossible, il était prêt à donner son âme pour la revoir. Quatre années étaient passées et il se languissait d’elle, de ses rires et de sa petite frimousse boudeuse.
C’était pour ça qu’il s’était laissé entraîné par la jeune femme. L’ancienne magie, par derrière le Dôme, la puissance de celle-ci… Nathan avait été élevé dans l’optique de la pureté magique parvenant à faire des miracles. Il avait néanmoins également reçu une attitude critique envers tout : le fonctionnement de Salem, la manière de donner cours, les incohérences du Magicobus et puis, de tout le département des transports magiques. Il était donc constamment pris entre deux eaux : l’espoir et le scepticisme.
Vu de l’extérieur, Nathan semble s’être relativement bien remis (si d’autant on peut s’en remettre) du drame qui l’avait touché. Cette frontière entre le visage qu’il offrait durant toutes interactions sociales, et celui blessé, qu’il ne montrait que rarement, est ce qui frustrent le plus son épouse. Elle ne comprend pas pourquoi il se croit obligé de tenir un rôle à l’extérieur ce à quoi il répond en hurlant que ce n’est pas un rôle mais une question de survie.
Malgré leurs difficultés, le couple est toujours ensemble.
***
Il y avait des jours plus compliqués que d’autres. Des jours où le manque était trop douloureux. Des jours où, le coeur en vrac, il bousculait tout sur son passage : proches et inconnus. Malheureusement pour lui, un jour, il avait croisé le chemin de Peter Weston et, d’un coup d’épaule, l’avait violemment écarté de son chemin, trop enfermé dans sa peine pour se soucier du reste du monde. Il n’avait pas remarqué qu’il avait été pris en chasse pour l’assassin. Le terrible joueur de Quidditch avait fait de lui sa proie et avait patiemment attendu qu’il tourne dans une ruelle peu fréquenté de Boston pour continuer l’oeuvre qu’il faisait pour rendre hommage à ses propres morts. Dans sa folie meurtrière, le capitaine de l’équipe des Kasnsas Devils avait plus de force que Nathan. Face à lui, le sous-directeur des transports magiques eut tout le loisir de reconnaître Monsieur Weston alors que celui l’étranglait sans aucune pitié. C’était néanmoins la première fois que l’assassin était confronté à un Animagus. Par instinct de survie, Nathan se transforma en faucon. Ses excellents réflexes dûs au Quidditch ne le fit néanmoins pas lâcher prise et il lança très fort l’oiseau contre un mur. Nathan, sonné, parvint Merlin-sait-comment, à s’échapper malgré tout de sa portée et à s’envoler loin de lui. Epuisé, il s’échoua sur un toit d’une bâtisse et se retransforma en humain, terrifié, juste avant de s'évanouir. Le choc, lui avait fait perdre la mémoire… Quelqu’un avait voulu le tuer...Il ne savait plus qui.
Pourtant, quelques jours après cette terrifiante agression, la mémoire de Nathan commence doucement à revenir. C’était un homme, il en était à présent certain. Aurait-il dû le laisser le tuer pour qu’il rejoigne enfin Rosie ?
Combien de temps lui faudra-t-il pour reconnaître Peter Weston ? Est-ce que celui-ci allait tenter de le retrouver pour terminer sa terrible besogne?