La douce main de sa femme est délicatement posée sur son avant bras. Assis auprès du feu ronronnant du salon, c'est la veille de Noël. Et comme à chaque fois, le couple se plonge dans le passé avec leurs nombreux albums photos. C'est une tradition dont l'importance a grandi au fil du temps.
Les souvenirs défilent, pas toujours dans l'ordre chronologique, suivant simplement le hasard du geste qui choisit tel album plutôt qu'un autre.
Celui qu'ils ouvrent de concert est celui qui rassemble les photos de fêtes. Ici, c'est un des anniversaires de Joe. Le cinq ou sixième. Le petit garçon ressemble douloureusement à son neveu mais les deux adultes ne laissent pas ce souvenir se salir par le chagrin.
Sean tente même une petite plaisanterie. Son épouse rigole et leur coeur s'apaise.
Sur la photo, Colin ne cesse de rentrer et de sortir du cadre, les sourcils froncés. Les mariés tentent en vain de se souvenir du pourquoi mais ils en sont l'un et l'autre incapables.
Ensemble, ils tournent la page et c'est une photo de leur mariage qui leur sautent aux yeux. Ils étaient bien jeunes à l'époque. La petite vingtaine mais ils étaient amoureux.
Ils se sont rencontrés à Ilvermorny en tant que prof et étudiante et sont sortis ensemble quelques années plus tard. A l'époque, Sean voulait déjà enseigner et ses aptitudes pour les potions lui désignaient clairement cette voie. D'ailleurs, il ne quitta pas bien longtemps l'établissement puisque c'est à 24 ans qu'il obtint son poste de professeur. La belle époque où les non-majs ne connaissaient pas encore leur existence.
Une vague de nostalgie l'envahit.
-Qui a classé ces photos ? Demande-t-il.
L'ordre n'est pas très logique même si les thèmes sont respectés.
Sa femme ne répond pas et son silence est plus éloquent qu'un long discours. Le fantôme de leur petit fils apparaît dans la pièce chaude. Elisabeth se tourne vers lui et lui embrasse doucement la joue.
-Tu devrais te raser pour demain, se contente-t-elle de murmurer.
Docile, il hoche la tête. Il a toujours aimé obéir à ses petites exigences. Elle s'était calmée avec l'âge mais Madame Brown était le genre de personne qui voulait que les choses soient faites d'une certaine manière et de préférence, de la sienne.
Sean ferme un instant les paupières et se demande ce qu'il aurait fait sans son roc. Il n'avait pas montré grand chose en classe bien que ses collègues aient vu une certaine perte d'enthousiasme dans son travail. Mais au fond, l'assassinat de Sean Jr. et son assassin toujours libre quelque part... Ca l'avait détruit.
C'est de sa faute après tout...C'est lui qui a amené l'enfant sur les territoires des indépendants pour un match des Kansas Devils. Ces idiots indécis acceptaient la présence des non-majs chez eux et ces derniers avaient profité de l'occasion pour s'en prendre à un petit garçon innocent.
Et il se rappelle de l'attente et puis après quelques heures, de la découverte du corps. Il l'avait formellement identifié, empêchant Colin, arrivé en catastrophe entre temps, de le faire pour tenter de le protéger. Son fils le lui reprochait inconsciemment depuis ce jour. Pour faire son deuil correctement, il aurait souhaité voir son garçon allongé sur une table, des traces de strangulation autour du cou.
Les pages défilent sans qu'il ne puisse identifier le moindre souvenir. Son épouse le ramène à elle en pointant son doigt vers le visage souriant et fier de son mari.
-Ils venaient de te nommer directeur de l'Oiseau-Tonnerre, tu te souviens ?
Sean penche la tête vers l'album et son reflet lui est à peine supportable. Tant d'inconscience à l'époque. Il savait déjà à quoi s'en tenir avec les non-majs mais en réalité, jamais il n'avait imaginé ce qui allait suivre quelques années plus tard...
Son expression est joyeuse. Il se rappelle qu'il avait abordé cette année là plein d'idées. Le fils d'un de ses amis, Ernie Beller s'était montré, sans aucune surprise, aussi doué que son paternel pour les cours que Sean enseignant. Il avait été porté par l'enthousiasme de cette promotion qu'il avait suivit avec intérêt.
Ses élèves n'avaient aucune idée de l'affection sincère qu'il leur portait à tous. Il avait plutôt une réputation distante et stricte avec eux, surtout sur les premières années de leur enseignement. Généralement, les étudiants pouvaient entre apercevoir son humour lors de leur dernière ligne droite à Ilvermorny.