Lorsque Hadès avait levé les yeux de ses papiers, il se rendit compte qu’il avait passé toute l’après-midi dans son bureau. Les affaires étaient toujours précédées d’une montagne de paperasse plus ou moins importante que seul Hadès pouvait étudier. En tant que patron, là été son principal rôle. Passant une main dans ses cheveux, il s’enfonça dans le dossier de son fauteuil pas mécontent d’en voir enfin fini. Il était conscient que d’ici quelques jours, il aurait à tout recommencer, mais pour l’heure, il savourait l’achèvement de son travail. Un petit sourire aux lèvres, il prenait sa tasse de café qu’il porta à ses lèvres et qui finalement le fit grimacer. Comme d’habitude, il avait laissé son café refroidir. Juste au moment où il reposait sa tasse l’on venait frapper à sa porte. Il donna l’autorisation d’entrer tout en se redressant et vit l’un de ses organisateurs de soirée.
« Monsieur Travers, nous sommes prêts à accueillir les invités. Tout a été fait comme vous le souhaitiez. »
Quittant cette fois-ci son fauteuil Hadès avait un sourire satisfait.
« Parfais, je vous fais confiance, vous pouvez ouvrir les portes. Je descendrais dans une dizaine de minutes le temps de me changer. »
Faisant signe au jeune homme de sortir Hadès prenait une mallette où il y déposait ses papiers et à son tour, il quitta le bureau. Au passage, il fit signe à sa secrétaire qu’elle pouvait rentrer chez elle et il se dirigea vers la suite dont il disposait. Après avoir soigneusement rangé ses documents dans un coffre, il alla se changer et opta pour un élégant smoking noir sur lequel il avait accroché une rose rouge. Ce soir, il avait organisé une soirée privée au casino. Bien qu'elles fussent très prisées, il y aurait ce soir moins de monde que d’ordinaire. Les derniers événements n'allaient pas dans son sens, mais Hadès été persuadé que cela ne durerait qu'un temps. Bientôt, il serait de nouveau harcelé de coup de téléphone afin de lâcher quelques invitations.

Se souriant dans un miroir, il sortit de sa suite et se dirigea vers un ascenseur qui le conduisait dans la salle de réception. Beaucoup de personnes étaient déjà arrivées. Ayant été remarqué par tous, en bon hôte, il se dirigeait vers chacun d'entre eux pour quelques brèves salutations. Certains le retenaient parfois quelques minutes, mais Hadès avait acquit le don de s'éclipser de toute conversation. C'est d'ailleur en s'éclipsant de l'une d'elles qu'il remarqua avec surprise la présence d'une jeune femme brune habillée d'une robe pourpre. Il n'avait pas l'habitude de la voir ainsi habillée, mais il reconnut son rouge sur les lèvres. S'il se souvenait bien de toutes les fois où il l'avait croisé, elle avait pratiquement toujours ce même rouge à lèvres qui lui allait à merveille.

Hadès se dirigeait souriant vers elle prenant au passage deux verres de champagne. À sa hauteur, la demoiselle le salua et le remercia pour son invitation. En patron d'hôtel/Casino, Hadès ne pouvait que remercier celle qui se déplaçait si souvent pour ses affaires et qui en prime faisait un remarquable travail.
" Bonsoir Mademoiselle Baldwin. Ne me remerciez pas, c'est vous qu'il faut remercier pour votre travail. Je suis heureux que vous n'ayez pas eu d'obligation. Cela nous aurait privés de votre élégance."
Souriant, Hadès lui tendait une coupe tout en reconnaissant que Thémis était une magnifique jeune femme. Il regretta presque qu'elle fût si jeune. Il n'était un secret pour personne qu'Hadès cherchait à se marier et cette jeune policière aurait très bien pu figurer sur sa liste de prétendantes.
"Et bien trinquons à cette soirée. J'espère que la chance sera avec vous. Je crois que je serais plus que ravis de voir enfin perdre certains de mes invités."
Hadès eu un léger rire avant de tremper les lèvres dans ce liquide pétillant qu'il n’appréciait pas autant que ça.  

Lorsque Thémis qualifiait Hadès de gentleman, le sorcier la gratifia d’un acquiescement de la tête. Il ne c’était jamais décidé à donner une vraie définition à ce terme. Dans les paroles de la belle brune, cela désignait un compliment dont il fallait se flatter et Hadès le prit ainsi. Lui-même ne se qualifiait pas de Gentleman, il était simplement décontracté et réaliste. Il ne dirait jamais à une femme qu’elle été jolie si elle ne l’était pas, bien qu’il y eût bien des façons pour une femme d’être physiquement appréciable. Thémis faisait plaisir aux yeux, car elle n’était pas comme toutes ces poupées fardées de maquillage et parfois de sortilèges.

Ayant trinqué ensemble, Hadès avait à peine goûté au champagne qui bien que très couteux lui laissait un goût amer dans la bouche. Il avait toujours pensé qu’il se ferait à ce drôle de breuvage français qu’il faisait venir en très grande quantité. Mais il lui semblait que plus il en consommait, moins il appréciait. Il savait que comme d’ordinaire, il demanderait un scotch avec glaçons et que toute la soirée, il marcherait à ça.

Hadès considérait avec plaisir que son invitée se laisserait prendre aux jeux. Dans ce genre de soirée, beaucoup étaient ceux qui préféraient observer les victoires et défaites des autres. Il était facile de les reconnaître. Ils avaient toujours un verre ou une cigarette à la main et n’étaient jamais assis. Ils déambulaient dans la salle avec un grand sourire pensant parfois porter chance au joueur au-dessus duquel ils se tenaient. Cela amusait beaucoup Hadès qui prenait parfois un certain plaisir à les observer, car c’étaient toujours eux qui venaient à lui pour le féliciter de la réussite de sa soirée. Tant de compliments alors que visiblement, c’était eux qui s’étaient le moins amusé. Thémis ne serait donc pas ceux-là. En directeur informé des joueurs presque toujours victorieux, Hadès observa quelques tables clef. Les joueurs étaient superstitieux et s’installaient toujours là où ils avaient le plus gagné. Il n’eut donc aucun mal à trouver les plus chanceux d’entre tous.

«Je vous recommanderez, pour commencer, la table de blackjack où sièges les grands patrons d’entreprises. L’homme au crâne dégarni semble déjà avoir accumulé une belle série de jetons. Peut-être que jouer contre une femme lui fera perdre ses moyens ? »

Il fallait bien qu’un jour cet homme commence à perdre. Même Hadès qui connaissait toute les ficelles peinait à gagner ne serait-ce qu’une partie. Ce riche monsieur raflait tout et se vantait toujours de ses gains à chaque soirée. À un tel point qu’Hadès avait du mal à trouver des joueurs pour siéger à sa table.

Imitant Thémis, Hadès avançait lentement dans le casino passant devant quelques groupes de personnes et tables dont les invités lui adressaient des sourires visiblement satisfait. Thémis lui posait alors une question, lui demandant qu’il dût être flatté de voir qu’au sein de son édifice tant de personnes s’y plaisaient. Hadès lui avait fait un sourire. Cette remarque flattait son égo. Il était vrai qu’en directeur et fondateur de ces lieux, Hadès avait un certain plaisir à voir autant de personne apprécier son œuvre. Il y avait bien évidemment l’argent, mais une réputation se fondait tout d’abord par nos réussites et ce Casino était l’une de ses plus belles.

« Voilà qui est bien trouvé mademoiselle Baldwin. Et en effet, j’éprouve une certaine satisfaction à voir autant de personnes se divertir et prendre plaisir dans ces lieux que j’ai créés. Lorsque l’œuvre d’une vie est ainsi appréciée et reconnu, c’est, je pense, l’un des plus beaux cadeaux que l’on puisse nous faire. Mais ce ne sont que des murs et des jeux sur lesquels certains s’enrichissent et d’autre s’appauvrissent. Votre profession vous amène à une satisfaction tout aussi plaisante. Je suppose. Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir, aider et sauver des vies. Ce sont des actes qui mériteraient d’être bien plus reconnus. »

Tout en parlant, Hadès avait conduit Thémis autour de ladite table de blackjack où de nouveau l’homme en question récupérait sur le tapis sa mise et celles de ses concurrents.

Hadès avait laissé la belle Thémis entre les griffes crochues d'un homme passionné par le jeu. Lorsqu'il l'avait laissé s'asseoir autour de la table, il s'était demandé un instant si elle n'allait pas perdre le contrôle. Perdre le contrôle dans des jeux d'argent était parfois fatal. Il fallait savoir jouer avec sa tête et non avec son égo. Beaucoup n'y arrivaient pas. Et c'était ces personnes qui laissaient au Casino des sommes colossales. Ils ne pouvaient pas s'avouer vaincu par pur orgueil. Surtout lorsque l'on plaçait autour d'eux de jolies jeunes femmes. Hadès comptait sur le sang-froid de la policière pour reconnaître à un moment ou un autre qu'elle ne gagnerait pas ou plus. Bizarrement, il savait qu'elle n'allait pas se perdre. C'était donc confiant qu'il s'était éloigné d'elle. Il s'amusait simplement à regarder l'effet qu'elle faisait au joueur sans rien laisser paraître sur son visage.
Il s’occupa également de ses invités. Le plus important étant de prendre des nouvelles de leurs familles ou de leurs affaires. Hadès avait une excellente mémoire ce qui lui donnait un certain avantage pour mener les conversations et pour garder ses amitiés. D’ailleurs, il se souvenait d’avoir accepté de jouer à une table de poker privée qui se tiendrait dans une des suites du Casino. Il n’était pas un grand joueur de poker, mais cette fois-ci, il n’avait pu refuser. Comment ne pas accepter la table d’une personne qui, à chaque visite, laissait derrière elle des millions de dollars. Hadès irait donc montrer de quoi il était capable. Ce jeu nécessitait des qualités qu’il possédait naturellement.
C’est d’ailleurs pendant qu’il regardait ladite personne s’approcher qu’il était rejoint par Thémis. Elle lui faisait tout de suite comprendre qu’elle n’était pas arrivée à ses fins. Elle rajouta même qu’elle ne souhaitait pas s’accaparer le directeur toute la soirée. Hadès avait alors un sourire, car c’était lui, qui accaparait la soirée de la jeune femme.
« Je suis certain, que vous aurez d’autres occasions pour faire plier la chance personnifiée. Et loin de moi l’idée que vous m’accaparez… Mais si c’est ce que vous pensez, que diriez-vous d’inverser les rôles ? »
À peine avait-il parlé, qu’Hadès proposait son bras à la jeune femme tout en lui glissant quelques mots à l’oreille.
« Pardonnez-moi de vous accaparer ainsi, mais une table de poker nous attend… J’aimerais qu’elle dure le moins de temps possible. »
Si Thémis jouait le jeu, Hadès et elle pourraient rapidement plumer ces grands messieurs et finir plus tôt la soirée. Hadès détestait être collé à une table de jeu pendant des heures. Car bien évidemment l’on ne pouvait quitter l’une de ces tables sans avoir tout gagné ou tout perdu.
« Mademoiselle. Monsieur Travers, vous n’avez pas oublié notre petite partie ! Avec vous, nous serons 4. »
« Monsieur Smith, laissez-moi vous présenter mademoiselle Baldwin. Ce soir, elle sera dès notre. Vous n’y voyez aucun inconvénient ? »
Bien évidemment, il n’y avait aucun souci. Si Hadès voulait quelque chose, on ne pouvait que difficilement lui refuser. Il était désolé de faire subir cela à Thémis, mais il saurait la remercier.
« Parfait, rejoignions les étages supérieurs. »