Nouvelle donne

   Traversant la ville, un chat au magnifique pelage roux tigré avançait tranquillement dans l'obscurité de la nuit. Le vent soufflait froidement, entrainant sur son sillage divers emballages de papiers. Sur le sol, une bouteille de vin vide, roulait presque silencieusement sur le trottoir goudronné avant d'arrêter sa course sous une voiture garé ici pour la nuit. A quelque pas de là, se trouvait un clochard allongé sur le sol, tentant de se protéger comme il le pouvait du froid environnant par quelques feuilles de papiers journaux, un sac de vêtement infesté de puces à ces cotés. A n'en pas douter, et à en juger par la rougeur de ses joues bien rebondit, il était l'heureux propriétaire de cette bouteille vide...
La ruelle était parfaitement éclairée, pourtant cela n'aurait pas été nécessaire tant la lune resplendissait comme le soleil en plein jour en ce soir d'avril.

La lune était pleine et le était ciel totalement dégagé, il n'y avait pas un seul nuage en vu. C'était une très belle soirée. Au vu de l'heure tardive, les ruelles de la petite ville de Nashville étaient désertées et c'était à peine si l'on pouvait encore croiser les derniers noctambules d'une soirée joyeusement arrosée. Nashville était si différent de New-Phoenix, cette mégalopole qui ne dormait jamais que ce soit dans son atmosphère ou dans la manière dont les gens y vivaient. Il manquait à Nashville cette modernité qui lui faisait défaut et qui faisait la fierté de la capitale du Nouveau-Monde. Ici, les gens prenaient le temps de vivre alors qu'à New-Phoenix, ils ne s'arrêtaient jamais et courraient dans tous les sens. Nashville avait décidément tout d'une grande ville de campagne dans laquelle se ruaient les futurs Elvis Presley et autre Johnny Cash remplis d'espoir et surtout d'illusions. Des êtres pour lesquels Héra éprouvait le plus grand dédain. Nasville avait cependant un avantage de poids et qui faisait cruellement défaut actuellement à New-Phoenix. Celui de ne pas voir ces nuisibles moldus scander des propos haineux à leur encontre. Ces créatures étaient si faibles, si ridicules et si stupides.... Ils leur seraient si facile, à eux les sorciers, de les réduire au silence une fois pour toute et de les voir s'éparpiller en hurlant de terreur dans une cohue paniquée en suppliant qu'on les épargne. Malheureusement et bien qu'ils méritaient une bonne leçon, ce n'était ni la politique des Yaxley ni de son cher mari. Que ces petits impertinents profitent seulement de leur sentiment de supériorité car ce n'était pas quelque chose qui allait durer très longtemps.

Les moldus... elle n'éprouvaient pour eux que le plus profond mépris et aversion. Ces faibles créatures qui osaient leur demander des comptes, qui se permettaient de les combattre sous les traits des Inquisiteurs, n'étaient en réalité que des envieux. Des envieux qui, étant dépourvus de magie et comme ils ne pouvaient obtenir ce qu'ils convoitaient ils préféraient les voir disparaître alors qu'en réalité, dans leur fort intérieur, tout ce que ces êtres viles et faibles désiraient était d'être comme eux. S'était pourtant connu, c'est très souvent ce que l'on aime le plus et que l'on ne peut avoir que l'on se plait à détruire, car s'il ne peut nous appartenir alors il ne doit appartenir à personne. C'était une logique comme une autre. Elle-même avait dans son laboratoire tout un panel de personne aux attitudes si différentes les uns des autres et pourtant si similaires dans le fond. Merlin Adams, ce génie, ce si brillant chercheur, se donnait corps et âmes pour faire aboutir le projet « Renaissance » pour la simple et bonne raison qu'il espérait pouvoir un jour en bénéficier, car lui aussi, comme toute l'espèce humaine ne rêvait que d'une chose : leur ressembler. Etre comme eux.
Mais quelque soit ses efforts, jamais, il ne serait comme eux. Il ne serait éternellement qu'un être inférieur quoi qu'il fasse, qu'il ait ou non des pouvoirs magiques, mais cela, Héra c'était toujours bien gardé de partager sa pensée, l'encourageant au contraire chaleureusement en murmurant des mots qu'elle ne pensait aucunement.
Le jeune Jagger, lui était encore différent. Sa passion pour son travail rejoignait celle de Merlin sans la moindre comparaison. Ils étaient similaire en ce point car tous deux consacraient leur vie entière à leurs recherches, à son projet et nul autre chose. Mais tout comme elle, le jeune homme désirait une chose : contrer les Inquisiteurs. Sa détermination était à toute épreuve mais surtout, tout comme pour Merlin, il était très vite devenu un atout non négligeable pour son projet qui depuis, avançait à grand pas. Bientôt, les sorciers auraient la possibilité de transformer ces êtres inférieurs à leur image.

Une lueur malsaine se mit à briller dans les pupilles du félin qui continuait son avancé d'un pas décidé, vers ce pub irlandais qui faisait fureur dans la ville et ses environs, et ce, pour bien des raisons....

Ewan O'Ceallaigh
Un nom pareil ça ne s'invente pas. Irlandais pure souche, l'homme avait débarqué sur le sol américain alors qu'il n'était encore qu'un adolescent. Aventurier et touche-à-tout, il avait trainé ses valises un peu partout dans le pays avant de s'établir durant un temps à New-Phoenix. L'homme, petit arnaqueur, joueur invétéré était malin, roublard et surtout très brillant. Très vite il avait commencé à rouler sa bosse et à se faire un nom sur leur territoire, si bien que, loin de passer inaperçu et de se noyer dans la masse des petites frappes dans son genre, il avait su très rapidement attirer l'attention de son frère ainé Hadès qui avait immédiatement compris tout le potentiel qu'il y avait en lui et qui ne demandait qu'a éclore. Après l'avoir observé durant un temps et laissé faire ses petites affaires, Hadès avait fini par le rencontrer.
Intelligent, vif d'esprit, le jeune homme avait comprit tout l'intérêt qu'il pourrait tirer à travailler pour son frère, mais il n'y avait pas que ça. A l'image d'un papillon attiré par les flammes d'une bougie, il avait été, comme toutes les personnes qui le rencontrait, attiré par le magnétisme et le charisme que dégageait son ainé. Mais tout comme le papillon, lui aussi s'y était brûlé les ailes...

Hadès avait prit le jeune homme sous son aile et lui avait enseigné beaucoup de choses. Le jeune homme était un élève doué, trop doué. Si bien qu'il avait fini par s'en aller et à voler de ses propres ailes. En temps normal, Hadès ne laissait jamais filer ses petits protégés. Ou ils restaient attachés à sa botte ou ils disparaissaient définitivement. Ewan était différent. Elle ignorait la nature de la relation qu'ils entretenaient mais Hadès respectait l'homme qu'Ewan était devenu. Il gardait toujours sur lui un oeil intéressé, observant, en retrait, son évolution, se refusant toujours d'intervenir et ce même si Ewan pouvait y laisser la vie. La raison en était simple, si Ewan avait continuellement besoin de quelqu'un pour le protéger alors qu'il meurt, parce que cela signifiait qu'il n'était pas fait pour ça. L'homme devait apprendre à s'en sortir et à s'imposer seul ! Dix ans après, Ewan était toujours là, il avait su s'entourer et dirigeait son petit monde d'une main de maître.
Mais aujourd'hui le monde et sa politique étaient en pleine mutation. Aujourd'hui, elle se trouvait à Nashville pour une raison bien précise.

D'ordinaire, Héra mettait un point d'honneur à ne jamais intervenir dans le business de ses frères, même si bien évidemment elle n'en n'ignorait rien, mais cette fois les choses était différentes. Hadès ne pouvait pas se déplacer lui-même jusqu'à Nashville, et il n'avait aucune confiance en Arès pour cette mission. Ils avaient beau l'aimer, il fallait reconnaître que le cadet de la famille avait trop tendance à réfléchir avec ses poings et sa baguette, la subtilité lui ayant fait défaut. Zeus aurait été parfait dans ce rôle d'émissaire, malheureusement, pour le moment, il ne pouvait se permettre de quitter New-Phoenix car il devait avant toute chose se débarrasser de cette petite fouine de Fernandes. Tant qu'il l'aurait accroché à ses basques tel un insupportable Lutin de Cornouailles, ils ne pouvaient se risquer de l'impliquer davantage dans les affaires familiales. C'était donc à elle, qui avait toujours eut toute la confiance d'Hadès qu'avait échue cette mission. Et que ne ferait-elle pas pour sa famille
Elle était donc entrée en contact avec Mr O'Ceallaigh, et tous deux avaient convenus d'un rendez-vous, dans son bureau privé, à l'arrière de son bar. C'était donc sous sa forme de chat, dans la plus grande discrétion que la laborantine avait traversé la ville de Nashville avant de se glisser à pas feutré dans le bureau du jeune parrain.

Une fois qu'elle fut assurée qu'il n'y avait personne elle reprit sa forme humaine. La chatte avait cédé sa place à une silhouette féminine à la chevelure de feu soigneusement coiffée, vêtue d'une robe rouge qui dévoilait ses jambes aussi fines que blanches à mi-cuisse. Prenant place sur le fauteuil en cuir, elle porta une cigarette à ses lèvres vermeilles et inspira une bonne bouffée de nicotine tout en laissant parcourir son regard azuré sur la place en attendant que celui qu'elle était venu voir se manifeste, et elle n'eut pas longtemps à attendre, une bonne chose que voilà, car elle détestait cela.

Lorsque la porte du bureau s'ouvrit, Héra fit pivoter le fauteuil dans sa direction et sourit à l'homme qui venait de faire son apparition. Cela faisait bien une dizaine d'années qu'elle ne l'avait pas vu pourtant il était resté tel que dans son souvenir. Grand, maigre, mais surtout doté d'un regard qui suintait l'intelligence. Il était si clair et si pénétrant qu'il vous transperçait de part en part. En un sens, il lui rappelait beaucoup son petit frère, Zeus, qui n'avait strictement rien à lui envier.

- Mr O'Ceallaigh, cela fait bien longtemps. Trop longtemps. Vous avez fait un sacré bout de chemin depuis la dernière fois où nous nous sommes vus... Hadès m'a chargé de vous adresser son... bon souvenir

A Deep Stack

Ewan pensait rarement au temps qu’il avait passé à New Phoenix. Il se souvenait qu’il avait quitté Chicago où il avait fait la connaissance de Cécil avant de rejoindre la fameuse cité des Partisans du Nouveau Monde. Un bien bel appellation pour un mensonge qui arrivait à endormir les masses. L’avantage d’un mensonge c’est qu’il promet de bien sombres choses. Pour le jeune homme qu’il était, évoluer dans l’ombre était ce qu’il savait faire de mieux. Ewan avait bien souvent l’impression d’être un véritable schizophrène qui évolue au rythme de la journée. Lorsque le soleil éclaire la vie de toutes les petites gens, il est un des leurs. Il sourit et fait son petit travail en prenant soin de ne jamais être désagréable et parfois il est même un peu charmeur. Cependant, dès que la lune prends la place du soleil, le gentil et affable Ewan, laisse place au malfrat qui sommeil au fond de lui et qui n’attend qu’une chose : s’en mettre plein les poches. Or, s’il est fort possible de se faire beaucoup d’argent de manière légale, c’est bien moins grisant que de le faire de manière clandestine. C’est ce qui lui plaisait plus que tout.

New Phoenix était déjà une ville en pleine expansion, quand il avait à peine dix-huit ans, fondé sur un principe de partage des connaissances des moldus et des sorciers.  La ville avait été bâti par deux menteurs patentés, même si tous, ainsi que lui-même, ne l’apprendraient que bien plus tard. Qui dit grande vie, dit gros poissons et magouilles. Il n’existe pas une seule grande ville où les vices et les péchés ne prolifèrent pas. C’est mathématique ! Plus la ville est grand, plus importantes sont les tentations. A cette époque-là, Ewan était un véritable épicurien.  Il s’agissait avant tout de se faire plaisir et son plaisir était très lié au nombre de sous qu’on pouvait trouver sur son compte : argent moldu ou argent sorciers, tout lui allait du moment qu’il en gagnait suffisamment pour assouvir son addiction. Il avait démarré un peu lentement dans les tables de poker illégales. Tout arnaqueur qui se respecte sait qu’il n’est jamais bon d’essayer de faire ça dans un casino car, chez eux, c’est la banque qui rafle tout.  Or, ce n’était pas vraiment ce que recherchait Ewan. Il préférait grandement voir cet argent tombé dans ses poches.

Il était resté longtemps à New Phoenix… Bien trop longtemps. Si autrefois Las Vegas avait le monopole en matière d’amusement et d’argent, New Phoenix lui avait depuis quelques années volées la vedette. Ewan quand à lui devenait petit à petit un plus gros poisson et il finit par attirer l’attention de Hadès Travers. S’il avait tenté de dissuader Cyrius de trop fouiller du côté des Travers c’est qu’il avait lui-même était du mauvais côté de la barrière et qu’il avait entraperçu un monde bien trop dangereux pour le jeune journaliste. Lui-même n’étais pas sortie indemne de l’aperçu qu’il avait eu du monde des Travers. Il aurait dû s’en rendre compte mais la vérité c’est qu’il était bien trop attiré par Hadès pour prêter attention au détail qui vous mettent la puce à l’oreille. L’ainée de la famille Travers était charismatique, mystérieux et il savait jouer sur la corde sensible d’Ewan avec une dextérité qui n’avait pas de nom. Si Ewan avait du mal à mettre des mots sur la relation qu’il entretenait avec certaine personne proche de lui, il savait au contraire bien décrire la relation qu’il avait eu avec Hadès.

Il y avait laissé un morceau de son âme quelque part en chemin et ce morceau avait fini par lui manquer. Quand il avait remarqué qu’il fallait mieux fuir, il était déjà trop tard pour récupérer ce qui avait été sien. L’irlandais avait préféré tout redémarrer ailleurs. Il n’avait jamais trop su pourquoi Hadès l’avait laissé partir. L’homme ne s’embarrassait pourtant jamais de scrupules et son cœur s’il pouvait s’ouvrir, n’était jamais donné entièrement.  C’est comme ça qu’il avait terminé à Nashville. La ville était calme et paisible. Son économie alternative était en pleine ébauche et fort de son talent muri et entrainé par la famille Travers, il avait réussi très vite à s’imposer. Certes, il n’était pas le seul à régner sur la ville dans l’ombre mais, il était de loin le plus puissant en ce moment. Cette force, lui permettait d’obtenir chaque jour de quoi nourrir son obsession constante, sa drogue, son plaisir et son péché.

Or, il y a peu de temps New Phoenix et les Travers, semblaient vouloir s’imposer à nouveau dans sa vie. Cela faisait presque dix ans maintenant et il pensait que le passé ne viendrait pas le troubler. Ewan n’était plus l’épicurien d’autrefois. Il était cet homme à deux visages qui ne sait plus trop lequel est le véritable lui. Son passé était revenu le hanter en la personne de Héra Travers, la sœur de Hadès. S’il existait une faiblesse dans l’existence d’Ewan, Hadès Travers en était une. Héra l’avait contacté et ils avaient convenu d’un rendez-vous. Pour Ewan, il était hors de question de retourner mettre les pieds à New Phoenix, qui sait si cette fois-là il ne perdrait pas son âme en entier. Le morceau qu’il avait abandonné derrière était en la possession de Hadès, métaphoriquement parlant. Il ne pouvait ignorer que sa sœur venait parce qu’il le lui avait demandé et Ewan ne pouvait refuser de la rencontrer. Ils devaient se retrouver dans son théâtre personnel des opérations le bureau à l’arrière de son pub. Il y avait peu de chance qu’on vienne les embêter ici. Certes, il y avait Oegus pour veiller au grain mais l’irlandais savait aussi s’entourer d’autres petites mains pour effectuer ce genre de travaux.

C’était l’heure ! Il n’y avait plus moyens de reculer l’échéance. Il entra dans son bureau comme s’il était lui-même invité. Dans le fauteuil se trouvait déjà Héra Travers, une vision de rêve dans sa robe rouge, un sourire qui vous damnait sur place et une stature de reine. Oui, Héra Travers n’avait pas changé malgré toutes ses années. On pouvait à peine en voir le poids sur son visage. Elle fumait une cigarette et il ressentit l’envie de céder lui-même à l’appel de la nicotine. Elle le salua avec beaucoup trop de politesse et de manières alors même qu’il savait que ce qu’un Travers veut, il l’obtiendra que ce soit en passant par l’amabilité ou par la force. Il avait eu l’occasion de se rendre compte que tous les membres de cette famille avait  adopté cette manière de vivre. Ils l’exprimaient tous avec des degrés différent bien sûr mais l’intention était là. La mention de Hadès le toucha plus qu’il ne l’aurait avoué. Malgré toutes ses années, il restait toujours autant attiré par l’homme qui l’avait aidé à se modeler et être en partie ce qu’il était. Les années ou la distance ne changerait jamais cela. Il devait accepter cette réalité même si cela lui coûtait de l’admettre : il resterait ce papillon attiré par la lumière émise par Hadès Travers.

Il inclina la tête en réponse aux paroles d’Héra et fini par céder à l’appel de la nicotine. S’il fumait bien souvent pour son plaisir, il en retirait cette fois-là une certaine constance. Il n’est jamais facile de faire face au passé même s’il est vêtu d’une robe rouge qui dévoilent de superbes jambes et qu’il vous sourit. La première bouffée est toujours la meilleure ! Certains sont persuadés que seule la première cigarette au réveil peut procurer ce plaisir indescriptible. Ewan n’était pas de leur avis. La première bouffé d’une nouvelle cigarette, c’était ça qu’il recherchait à chaque fois. Un plaisir éphémère mais qui se répète à chaque fois. La même chose qu’il ressentait quand il gagnait un sous de plus. Avec la fortune qui était la sienne, il pourrait vivre ailleurs que dans son appartement minable mais ce n’était pas pour ça qu’il avait bâti son empire. Il ne voulait pas de ces signes extérieurs de richesses. Il cherchait juste à obtenir l’argent et plus c’était difficile, plus il était intéressant et gratifiant de le gagner. Il contempla son interlocutrice à travers la fumée et prit la parole :

« Héra Travers…. Ou devrais-je dire Héra Rookwood maintenant ? J’ai un peu de mal avec cette pratique terriblement américaine de ne pas adopter le nom de son époux. Il est vrai que cela faisait longtemps. J’ai été surpris de recevoir de vos nouvelles. » Il hésita un instant avant de reprendre la parole. « Saluez Hadès pour moi quand vous le verrez.  Il me semblait bien que cette prise de contact devait bien venir d’une personne connu…»

Il tira une nouvelle bouffé de cigarette et  reprit d’un ton sans équivoque :

« En quoi puis-je vous venir en aide ? Il me semble que c’est pour cela que nous sommes là. »

Nouvelle donne

Héra était une femme qui aimait être le centre d'intérêt. Elle aimait par-dessus tout sentir les regards se tourner vers elle, elle aimait lire l'envie dans les yeux des femmes et le désir dans celui des hommes. Il n'y avait à son goût rien de pire pour elle que de susciter l'indifférence la plus totale. Se fondre dans la masse, passer inaperçu, n'était pas dans sa nature, elle était bien trop vaniteuse. Elle aimait briller et se faire remarquer, que ce fusse dans le choix de ses toilettes, sa coiffure, son maquillage, ses bijoux... tout absolument, tout devait être parfait afin de susciter l'envie et le désir. Il n'y avait pas pire affront à ses yeux que de l'ignorer. Autant dire que le regard que le jeune Ewan faisait courir sur elle en cet instant était loin de lui déplaire, bien au contraire. Son sourire se fit plus charmeur et son regard plus perçant. L'homme prit une cigarette et céda à son tour à l'appelle de la nicotine augmentant par là-même le nuage de fumée qui envahissait la pièce de ses veloutes à la fois piquante et voluptueuse.

Alors qu'elle écrasait sa cigarette dans le cendrier, elle ne put s'empêcher de sourire à la remarque d'Ewan qui ne savait trop s'il devait l'appeler Travers ou Rookwood. Il était vrai qu'en Amérique, ce pays d'adoption qu’était le sien, certaines pratiques libérale la dépassait complétement. Il y avait beaucoup de choses ridicules à son goût comme refuser de porter le nom de son époux sous prétexte que l’on était féministe. Elle-même était une femme indépendante ce n’était pas pour autant qu’elle allait refuser de porter le nom de son époux pour le prouver. Elle était issue de l'ancien continent avec ses valeurs et ses traditions auquel elle s’en trouvait très attachée malgré elle.

- Rassurez-vous Mr O'Ceallaigh, je suis moi-même anglaise avant d'être américaine. Je suis née Travers, et je resterais une Travers jusqu'à ma mort mais je suis également une Rookwood dès l'instant où mon époux et moi-même avons échangé nos voeux. C'est donc, et cela a toujours été ainsi depuis, Héra Rookwood.

Croisant ses jambes, elle s'adossa confortablement sur le fauteuil de bureau, faisant parcourir à son tour son regard sur l'homme qui lui faisait face. Il y avait quelque chose en lui que Héra n'aura su définir avec exactitude. Quelque chose qui était à la fois respectueux et dangereux

- Ce sera fait, lui assura-t-elle lorsqu'il lui demanda de rendre la politesse à son frère ainé

Il y avait quelque chose de déférent dans l'attitude d’Ewan lorsqu'il était question de son frère. On sentait qu'il éprouvait pour lui beaucoup de respect et qu'il n'avait pas oublié tout ce qu'il devait à son frère. Ewan s'était fait seul, il avait construit sa réputation et fait tourner ses affaires clandestines d'une main de maitre, et ne devait rien à personne à ce sujet. Mais toutes ces bases, tous ces acquis qui lui ont permis d'être l'homme qu'il était aujourd'hui, c'était à Hadès qu'il le devait, et tous deux en avait parfaitement conscience.

Son sourire s'agrandit encore lorsqu'Ewan lui demanda les raison de sa présence ici, à Nashville. Il allait droit au but et c'était une qualité qu’Héra savait apprécier. Elle se leva du fauteuil et s'approcha d’Ewan.

- Nous pouvons nous venir en aide mutuellement Ewan. Hadès souhaiterait vous faire une proposition dans laquelle vous seriez tous deux gagnants. Il va de soi que si vous acceptez, vous resterez indépendant et Hadès n'interviendra jamais dans vos petites affaires de quelques manières que ce soit, sauf si vous le lui demandez. Vous bénéficierez de son influence, de sa protection et de son réseau. Le vôtre est déjà très étendu, c'est vrai, le devança-t-elle en s'approchant encore de lui, alors imaginez un peu tout ce vous pourriez obtenir ou vous alliant à nous. En retour, Hadès ne souhaite qu'une chose, que vous le laissiez investir la ville. Avec la conjoncture actuelle, les choses ne sont plus aussi sur qu'elle l'était il y a quelques années à New-Phoenix, c'est la raison pour laquelle Hadès souhaiterait investir en territoire indépendant. Vous pourriez devenir son homme de confiance et en plus de vos petites affaires, gérer les siennes, ici, à Nasville. Il vous fait une entière confiance

Tout ce que Héra venait de révéler à Ewan était la stricte vérité. Ewan était un être exceptionnel pour Hadès, le seul, qui, au fil du temps n'avait jamais déçu ses attentes et celui en qui, il avait fondé beaucoup d'espoir. Il était vrai aussi que depuis quelques temps, l'ainé de la fratrie Travers lorgnait sur les territoires indépendants. A cause de cette crapule de Victor, la paix en territoire du Nouveau-monde n'était plus et c'était très mauvais pour les affaires. Les gens ne sortaient plus, ne s'amusaient plus, et les établissements appartenant à de grandes et respectables familles de sorciers comme la leur étaient sans cesse menacé.
Les territoires Indépendants étaient un nouvel eldorado, et une solution de repli parfaite au cas où les choses tourneraient à la catastrophe à New-Phoenix, mais surtout, les territoires indépendants étaient les territoires idéals pour dissimuler une ferme de vampire. Héra avait beau ne pas tremper là-dedans, elle n'ignorait rien du trafic de ses frères concernant le sang de vampire. Elle ne connaissait pas les détails toujours est-il qu’un des hommes à la solde de ses frères avait laissé s'échapper un des vampires qu'ils avaient capturé. Non seulement la créature était parvenue à s'enfuir mais en plus, il avait enlevé un des régisseurs de l'exploitation et ça c'était très mauvais. A l'heure qu'il était, Jaroslav, le roi des vampires avait probablement dû mettre la main sur cet homme, et personne ne doutait qu'il parviendrait à le faire parler. Fort heureusement les hommes de son frère furent prompts à réagir et la ferme avait été nettoyée dans l'heure. Il ne restait plus rien de leur passage et avait désormais tout d'une vieille bicoque abandonnée depuis des années. Toutefois personne ne se leurrait, cela ne suffirait pas à tromper la vigilance d'Andropov. Sans oublier que Zeus avait ce maudit journaliste collé à ses fesses. Il n'était qu'un problème mineur en comparaison de Jaroslav, mais un problème malgré tout. Il était devenu vitale pour ses frères de mettre le plus grande distance possible entre eux et ces fermes. Personne ne devait pouvoir remonter jusqu'à eux, et pour se faire il n'y avait pas meilleur endroit que les territoires indépendants

- Il y a beaucoup d'argent à gagner à la clé, lui susurra-t-elle appuyant là où il fallait pour susciter l’intérêt du sorcier, Hadès n'ayant pas manqué de lui parler du penchant d’Ewan pour l'argent. Qu'en dites-vous ?

En homme d'affaire avisé, et compte tenu de son passé commun avec son frère, il lui paraissait peu probable qu’Ewan refuse. Hadès lui avait donné une certaine latitude pour négocier car à n'en pas douter, l'irlandais, malgré l'offre alléchante, chercherait probablement à négocier d'autres avantages. S'il se montrait raisonnable dans ses revendications alors ils en feraient autant, mais dans le cas contraire ils lui feraient chèrement regretter son audace. Toutefois, Hadès ne s'inquiétait guère de cela. Ewan était un homme avisé, et nul mieux que lui, connaissait aussi bien les bons côtés que les mauvais côté de son frère. La balle était désormais dans son camp.

A Deep Stack

Voir Héra Travers ou Héra Rookwood, comme on l’appelait maintenant, c’était une plongé dans son passé. Il avait fait sa rencontre par le biais d’Hadès Travers qui fut son mentor dans la ville de New Phoenix. Elle était déjà entièrement la personne qu’il voyait devant lui. C’était une femme fatale dans tous les sens du terme. Il avait presque un peu de pitié pour l’homme qui avait choisi de la prendre pour épouse. Héra était le genre de femme qui ne s’embarrassait pas de scrupule ou de barrière. Elle attendait que le monde se modèle au grès de ses envies. C’était une particularité assez commune dans la famille Travers. La seule sœur de la fratrie était toujours remarquable. Il ne l’avait jamais vu sans apparat et vêtu de vêtements simples. Héra Rookwood se devait d’être toujours sous son meilleur jour. Bien qu’il n’ait jamais été attiré par elle (il faut dire qu’à l’époque ses préférences se trouvaient dans l’autre camp), il ne pouvait décemment pas avouer qu’elle n’était pas une très belle femme. Bien sûr, cela ne lui échappait pas. La sorcière savait très bien que son apparence était un atout et elle était tout à fait capable d’en jouer. Son sourire se faisait plus charmeur et son regard plus perçant. Elle se rendait compte de tout ce qui pouvait la toucher.

Il la salua et s’ensuit comme toujours rapidement de sa venue. Son bar devenait vraiment de plus en plus, un théâtre extérieur à toutes les machinations de ce pays. Il était presque surprenant qu’il n’y ait pas encore vu débarquer la police ou autre fouineur. S’il avait commencé par recevoir du menu fretin, ses derniers clients s’étaient révélés être bien plus impliqué dans la marche du pays que les précédents. Ewan n’excluait pas qu’un jour, on se rende véritablement compte de son implication dans l’économie alternative du pays et de son trafic d’informations. Il faut dire qu’il était de plus en plus difficile de rester discret avec tous ses clients qui venaient lui rendre visite à la nuit tombée comme s’il se trouvait dans un mauvais film de gangster de l’âge d’or d’Hollywood. Cependant, cela ne lui posait pas vraiment de problème. Il était au courant des risques qu’il prenait. C’était ce goût du risque qui rendait la chose véritablement intéressante. Il y avait mille et une façons de gagner de l’argent et celle de l’illégalité était parfois un passage trop facile. C’est pourquoi il y avait cette petite pointe de risque qui rendait l’action plus grisante. De plus, on multipliait les gains davantage lorsqu’on opérait dans l’illégalité. Ce qui n’était pas négligeable.

Héra reprit la parole après qu’il l’ait salué et entrepris de fumer une cigarette. Ce paquet se vidait bien trop vite mais, il n’avait pas vraiment à craindre un cancer avec l’aide de la magie. S’il ne la pratiquait pas autant que certains autres sorciers, il n’en était pas pour autant rouiller dans son utilisation. Il préférait cependant les méthodes dîtes « moldu » pour leur efficacité et leur manière d’utilisation bien différente. Ils s’installèrent tout deux plus confortablement dans leurs sièges respectifs. La soirée promettait d’être longue en discussion sous un vernis de politesse et de vieux souvenirs poussiéreux. Son interlocutrice le rassura sur l’utilisation de son nom de femme mariée et de ses vœux pour son mari. Ewan s’était parfois demandé pourquoi elle avait choisi un homme qui s’épanouissait mieux dans l’ombre des plus puissants alors même que sa femme aimait par-dessus tout se mettre en avant. Il savait que certain contraire s’attire mais, cela semblait quand même drôlement étrange quand on connaissait un peu qui était Héra. Oh, il ne pourrait jamais dire qu’ils étaient des personnes intimes, il était après tout, à l’époque, bien trop intéressé par Hadès pour s’occuper de quelqu’un d’autre.

Quand on parle du loup, il ne fut pas long le temps avant qu’il ne soit cité dans leur conversation. Ewan était toujours touché quand son nom venait dans la conversation. Il faut dire qu’il avait cette attraction indéfinissable pour l’homme. La sorcière reprit la conversation sur sa venue à Nashville et principalement sur le pourquoi de cette rencontre. Cela ne fut pas long avant qu’il en devine la raison. L’entreprise familiale des Travers comptait s’étendre vers les territoires Indépendants. De toute évidence, la poule aux œufs d’or qu’était le territoire des Partisans du Nouveau Monde, n’était plus ce qu’elle était, autrefois. Ce qui n’était pas étonnant étant donné ce qui c’était passé récemment là-bas. Entre les révélations de Victor Yaxley sur la création de cet empire et l’attaque des Inquisiteurs aussi rapide que fulgurantes, laissaient présager un avenir sombre pour les Partisans du Nouveau Monde. Dans cet état de fait, il était très mauvais d’essayer d’y faire des affaires. Dans ce domaine-là on préfère la paix à la guerre. C’était notamment une mauvaise chose pour les Travers dont le business se jouait principalement sur des domaines récréatifs.

Par le bais d’Héra, Hadès tentait de lui offrir le moyen d’être son associé dans une toute nouvelle entreprise, qui consistait à établir sa domination commercialle sur le territoire des Indépendants. Une charmante perspective pour quelqu’un qui n’aurait pas une bonne connaissance du territoire et des méthodes habituelles de la famille de sorciers. Malheureusement, Ewan se rappelait bien ce que lui avait coûté son association prolongée avec les Travers quand il était encore jeune et vivant à New Phoenix. Cette proposition ressemblait à la pomme enchanté et empoisonné de Blanche-Neige. C’était une petite chose inoffensive au premier abord et particulièrement alléchante. On aurait presque envie d’en croquer un morceau. D’autant plus que la personne qui vous la propose semble tout aussi inoffensive. Le tout est accompagné d’une voix enjôleuse destinée à vous faire plier d’une manière douce. Mais tout comme le fruit du conte, vous savez qu’il peut y avoir des conséquences fâcheuses. Blanche-neige perdait la vie et lui pourrait très bien y perdre son indépendance acquise avec difficulté. Même si Héra lui assurait qu’il pourrait le rester, il savait au fond de lui qu’il n’en serait rien. Il avait côtoyé les Travers suffisamment pour savoir ce qu’il en était.

D’autant plus qu’il avait reçu il y a peu de temps Cyrius Fernandes, le journaliste sulfureux et controversé du USA Today qui lui avait rappelé qu’il valait mieux ne pas trop s’intéresser aux petites affaires de cette famille. Cyrius était jeune et un peu trop porté sur ses convictions pour se rendre compte que tout ça pourrait lui retomber sur la tête à un moment où il ne s’y attendait pas. Les Travers n’étaient pas vraiment du genre à accepter les ennuis et ils se serraient les coudes face à leurs ennemis. Nul doute qu’ils ne finiraient pas s’occuper du journaliste d’une manière peu agréable. Ce qui était certain c’est qu’en menant sa petite enquête, Ewan avait fini par se dire que tout ce problème de trafic ne pourrait pas être trop éloigné de la famille des Travers. Il trouvait que c’était pile le genre d’affaire pour lequel les membres de cette famille pourraient être impliqués. Voilà pourquoi il ne s’était jamais lancé dans cette entreprise ainsi que dans celle de la prostitution. C’était des marchés bouchés avec des concurrents peu sympathiques et qui n’étaient pas particulièrement intéressant pour lui. En acceptant la proposition des Travers il permettrait à ses marchés là de prendre encore plus d’ampleur dans le territoire des Indépendants.

« C’est une proposition intéressante » Fut la première réaction d’Ewan. « Cependant, il est vrai qu’elle présente davantage d’intérêt pour vous que pour moi. J’ai eu un maître en la matière pour m’en rendre compte. En ce moment, il est peu intéressant de faire des affaires sur le territoire des Partisans du Nouveau Monde grâce à Victor Yaxley et aux Inquisiteurs. J’aurai moins de difficultés à me lancer chez les Mages Fondateurs. » Ajouta-t-il avec raison.

Mais la véritable raison c’est qu’Ewan n’était pas certain de vouloir être à nouveau si proche d’Hadès et de ses petites affaires. Il avait déjà été beaucoup trop proche de lui pendant une partie de sa vie et il sentait qu’il ne récupérait jamais ce qu’il avait perdu là-bas. Cela, il en était certain : il finirait forcément par y perdre s’il s’associait à nouveau à Hadès. Celui-ci savait déjà tout de lui et il avait été son mentor et celui dont il s’était inspiré pour lancer son propre réseau sur le territoire des Indépendants. Il lui fallait être prudent, car un refus brutal ne serait jamais bien accepté. Il allait répondre quand Héra appuya sur une de ses faiblesses qui prouvaient une fois encore que son frère ainé n’avait pas oublié qui il était. Il est vrai que l’argent et la possibilité de s’en faire avait toujours été la plus grande faiblesse d’Ewan. Il le savait et beaucoup de ses ennemis le savait aussi. De toute évidence, cela prouvait qu’Hadès n’était pas prêt à entendre un refus. Héra lui susurrait ces mots comme le serpent avait susurré à Eve de prendre la pomme et de mordre de-dans.

« De toute évidence vous savez ce que je recherche le plus… Enfin disons que Hadès n’a pas oublié qui j’étais. Peut-être oublie-t-il qu’avec le temps les gens changent. » Fut la réponse d’Ewan prudent face à la personne en face de lui. « Je ne manque pas de position et d’argent sur le territoire des Indépendants. De plus, je n’ai pas oublié ces années passées à New Phoenix et la folie qui m’a conduit à quitter le territoire. Qu’est-ce qui pourrait véritablement être plus intéressant pour moi dans cette affaire… Qu’est-ce que Hadès souhaite véritablement ? Ce n’est qu’en sachant cela que je puis me décider. »

Il n’abandonnerait pas son empire si facilement, même pas pour la perspective d’un argent encore hypothétique et du charisme de son ancien mentor.

Nouvelle mise ○ ft. Héra & Ewan

Nouvelle donne

Avant de l’envoyer à Nashville, son frère s’était fait un devoir de lui parler très longuement de celui qu’elle s’apprêtait à rencontrer, afin qu’elle puisse avoir toutes les cartes maîtresse en main. Hadès l'avait prévenu d’entrée de jeu ; Ewan était loin d'être un imbécile. Il ne faisait pas partie de ceux qui, à la moindre flatterie ou parce que vous aviez le malheur d’avoir montré un quelconque intérêt pour leur misérable personne, venaient vous lécher les pieds tel un chien fidèle qui n'espérait qu'une chose : plaire à son maître. Ewan avait suffisamment de sagesse et d'expérience pour ne pas se précipiter les pieds joint dans l'offre qu’Héra lui ferait, si cela avait été le cas, même elle aurait été déçue que son frère ait pu porter un tel intérêt à quelqu'un d'aussi insignifiant et manipulable. Fort heureusement pour lui, Ewan ne plongeait pas non plus dans l’autre extrême en ayant le malheur de la snober ou de la prendre de haut, une attitude fort déplaisante qui aurait contraint Héra à sortir les griffes et à lui faire comprendre que toutes personnes ayant une attitude qui se montrait supérieure, prétentieuse, hautaine, arrogante ou condescendante avec elle, le regrettait amèrement. Ce n’était pas parce que l’on se retrouvait à la tête d’un petit business plus qu’honorable qu’il fallait se monter la tête, et c’était le genre d’erreur que beaucoup de petites frappes se plaisaient à adopter, surtout face à une femme. Mais pour eux, Héra leur réservait un traitement spécial à la hauteur de leur arrogance.
Ewan appartenait à un autre genre d’hommes, sur bien des aspects, il ressemblait beaucoup à Hadès dans sa manière de répondre ou de réfléchir. Avec lui, elle allait devoir marchander et faire des concessions dans la mesure du raisonnable c'était chose entendue mais quelle que serait la manière elle parviendrait à obtenir ce qu'elle était venue chercher. Le mot « échec » ne faisant absolument pas parti de son vocabulaire. Se reculant, elle prit appuie contre le bureau de Ewan sans le quitter des yeux.

- Vos réserves sont parfaitement justifiées, concéda-t-elle tout en croisant ses jambes. Mais vous avez tort si vous pensez que le Nouveau-Monde est fini. Nous allons ramener l'ordre sur ce territoire et faire amèrement regretter aux inquisiteurs leur audace. Cette situation ne va pas perdurer indéfiniment et le temps que les choses se calment vous, vous serez prêt à intervenir sur un territoire qui ne laissera plus jamais de tels événements se reproduire. Sur un territoire qui va se relever bien plus fort qu’il ne l’était déjà et qui va se reconstruire. Un homme intelligent choisira d’investir bien avant les autres, avant que tout se calme. Avant que d'avides opportunistes ne reviennent comme si de rien n’était pour se remplir les poches une fois que les choses se seront tassées. Et,... je ne vous apprendrai rien, en vous révélant que mon frère n'oublie jamais rien, ni personne. A moins bien sûr que... certaines prises de risques vous fassent peur, mais à ce que m'en a dit Hadès qui vous tient en très haute estime, j'en doute

Amis ou ennemis, souvenirs de famille ou professionnel, bons ou mauvais moments, joie ou tristesse, Hadès n'oubliait jamais rien et se souvenait de tous les détails jusque dans les moindres mots avec une précision affolante. Plus d'une fois, il avait été capable de remémorer une anecdote ou une histoire de famille que Arès, Zeus ou elle-même avait totalement occulté. Autant dire qu'en affaire sa mémoire était encore plus affutée.

Il n'était pas dans la nature de son frère ainé de s'épancher avec admiration sur qui que ce soit surtout lorsqu'il s'agissait d'une personne complétement extérieur à leur cercle familiale, pourtant, Ewan avait réussi cet exploit. Bien sûr, Hadès ne dressait pas un portrait flatteur ou enjôleur de son ancien protégé mais cela pouvait se lire dans son regard que son frère portait beaucoup d'espoir en lui et pour le moment, le temps lui avait donné raison. Ewan avait su se faire seul tout en s'affranchissant de l'ombre imposante d'Hadès ce qui en soit était déjà un exploit en soi. Elle ne connaissait personne en dehors d'Ewan à être parvenu aussi loin, et si cela pouvait paraître surprenant pour n’importe qui d’autres, ça ne l'était pas pour Hadès qui s'était montré une fois de plus perspicace.
Hadès connaissait parfaitement Ewan, ses points forts comme ses faiblesses, à savoir comme la plupart des hommes de pouvoir : l'argent. Plus ils en possédaient et plus ces hommes cupides en voulaient. Ewan ne faisait pas exception à la règle, Héra n'avait donc pas hésité à abattre cette carte pour faciliter son interlocuteur à prendre une décision. La bonne décision. Loin d'être dupe, Ewan avait compris que cette proposition était loin d'être aussi innocente qu'elle ne le paraissait et bien que tentante, l'homme se montra toujours très hésitant. Qu'était-il prêt à sacrifier pour tout l'or du monde ? Mais en plus d'être timoré et méfiant, voilà que l'irlandais soupçonnait quelque chose, il n'y avait pas qu’Hadès qui connaissait parfaitement son poulain, l'élève avait beaucoup apprit du maître et le connaissait de toute évidence aussi bien que ce dernier. Prenant appui contre le bureau, ne quittant pas Ewan du regard, un sourire mutin apparut sur ses lèvres merveilles.

- Vous êtes un homme très intéressant Mr O'Ceallaigh... Et si je vous répondais,… fit-elle en se rapprochant à nouveau pour emprisonner Ewan en posant ses deux mains sur chacun des accoudoirs du fauteuil sur lequel il avait pris place. Que ce que veut véritablement Hadès c'est vous

C'était une vérité pure et absolue, Hadès voulait s'associer à Ewan pour plusieurs raisons. Il le connaissait parfaitement, peut-être même mieux que lui-même, il l'avait formé et laissé prendre son envol pour arriver à ce moment. Bien sûr, il pouvait y avoir une raison un peu plus personnel à cela, à Ewan de l'interpréter comme bon lui semblait, il n'avait pas besoin d'en savoir plus. Tout ce qui importait et tout ce qu’il avait besoin de savoir était que son frère comptait sur lui. Répondrait-il présent ou bien…

Deux coups secs et ferment cognèrent contre la porte du bureau et Héra se retourna en direction de celle-ci. Cette manière de frapper ressemblait à celle de son frère et l'espace d'un instant elle crut que c'était lui, mais cela ne se pouvait car son bien aimé frère était appelé ailleurs à New-Phoenix et ne pouvait être à deux endroits à la fois. Consciente qu'il ne pouvait s'agir de celui qu’elle aurait pourtant aimé voir apparaitre, elle adressa un regard sévère à l'homme qui se trouvait derrière cette porte et qui, non content de les déranger avait l'audace d'imiter son frère. Ewan n'avait-il donc pas donné de directives pour qu'on ne vienne pas les importuné ? Héra ne tolérait pas d’être ainsi interrompu et elle comptait sur Ewan pour se débarrasser au plus vite du gêneur, sans quoi ce serait elle qui s’en chargerait. Bien évidemment, elle comptait sur l’irlandais pour faire regretter à son homme de main son incompétence. Aussi, qu’elle ne fut pas sa surprise de découvrir que « le gêneur » en question n’était autre que son frère en personne. Sous le coup de la surprise, Héra entre ouvrit légèrement les lèvres dans un « o » muet, sans quitter son frère du regard. Le sorcier avait fier allure, et il se dégageait de lui tant de prestance… il avait une aura unique et inimitable. Elle se retira pour laisser Ewan libre de ses mouvements et serrer la main tendue que lui offrait son frère qu’il était visiblement heureux de retrouver malgré toutes ses années. Lorsqu’Hadès se tourna vers elle, un sourire d’une grande douceur se dessina sur ses lèvres

- Il n’y a rien à pardonner, le rassura-t-elle alors qu’elle accueillait son frère dans une étreinte pleine de chaleur.

Un échange de regard lui suffit pour comprendre que Hadès n’était pas venu dans le but reprendre cette affaire qu’il lui avait confiée en main, bien au contraire. Elle n’ignorait pas que sa confiance en elle était totale et bien placée, car plus que quiconque, jamais elle ne le décevrait. Pourtant Hadès était là alors qu’il avait pourtant d’autres obligations pour cette soirée, et sa présence en ces lieux ne trouvait qu’une seule explication : le jeune O'Ceallaigh.
Hadès voulait l’observer et étudier son évolution par lui-même. Evaluer le genre d’homme qu’il était devenu et aussi probablement par jeu, prendre plaisir à observer sa réaction en sa présence. Hadès était ainsi, il aimait jouer, d’ailleurs, dans la famille Travers, ils étaient tous un peu joueur. L’homme d’affaire s’éloigna d’eux tranquillement pour prendre place sur un siège tout en les invitant à poursuivre leur échange et à faire comme s’il n’était pas là. C’était du Hadès tout craché, un homme qui aimait observer et écouter les autres, mais qui ne désirait pas s’imposer, tant qu’il ne le jugeait pas nécessaire. Un homme qui voulait se faire oublier et qui pour cela s’installait un peu en retrait, en toute modestie et en toute discrétion mais dont pourtant, malgré lui, la seule présence s’imposait d’elle-même. Ainsi était Hadès, sa présence était naturelle et il n’avait nul besoin de taper du poing pour s’imposer ou se faire respecter. Son frère était un meneur d’hommes né
Héra se positionna derrière son frère et posa une main douce et rassurante sur son épaule robuste. Sans se départir de son sourire, surtout à la vue d’Ewan en présence d’un fantôme du passé, la rouquine reprit la parole.

- Je vous ai répondu mais, peut-être souhaiteriez-vous lui poser la question directement, l’invita aimablement Héra, avant de se tourner vers son ainé. Avant de pouvoir prendre une décision en tout état de cause, Mr O'Ceallaigh a besoin de savoir ce que tu attends de cette alliance, ce que tu souhaites véritablement. C’est bien cela Mr O'Ceallaigh ?

A Deep Stack

E wan avait un peu l'impression que son petit univers bien rangé allait devoir faire face à des changements drastiques. Depuis quelques temps, il avait l'impression que son besoin, de rester à l'écart de toutes les petites guéguerres intempestives des factions, allait se retrouver un peu embêté par les agissements de certaines. La venue d'Héra pour le compte d'Hadès en était une preuve. Il semblait que son passé et l'ombre pesante des Partisans du Nouveau Monde, ne le laisserait jamais en paix. Il y avait une raison pour laquelle il n'était pas intéressé par le fait d'être lié à une faction ou un autre : cette raison c'était que dans son passé il avait assez vu de choses sombres dans chacune des factions pour savoir qu'aucune d'elles n'étaient entièrement ce qu'elles prétendaient être et qu'il valait mieux ne jamais mouiller dans leurs affaires, au risque d'être noyé par les problèmes et les folies de chacunes. Les partisans avaient le plus grand nombrs de petits groupuscules criminels au kilomètre carré, les Inquisiteurs étaient des fous fanatiques et les Mages Fondateurs leur pendant sorciers. Il valait mieux être neutre dans cette affaire. Il ne pouvait pas prendre parti, pas maintenant et pas encore. Il avait appris très tôt qu'il avait, lui aussi, des défauts et des faiblesses que d'autres pourraient exploiter très facilement. Son défaut c'était d'aimer l'argent plus que de nombreuses choses dans son monde et l'une de ses faiblesses c'étaient d'être attiré par le charisme et la personnalité d'Hadès Travers.

Il avait été façonné par l'homme et avait plus d'une fois repoussé son départ quand il vivait à New Phoenix, pour rester proche de son mentor. Une erreur qui lui avait pas mal coûté. Voilà que Hadès voulait étendre son empire, déjà grande, sur le territoire des Indépendants et il n'hésitait pas pour cela à réclamer l'aide de son ancien élève. Cela aurait pu être une audace pour certain, mais Ewan ne faisait pas l'erreur de se croire protéger par sa position et son pouvoir dans les états neutres. Au contraire, il se trouvait plutôt en position de défense. Les Travers avaient les bonnes cartes en mains et ils travaillaient toujours de concert. Il n'y avait pas une histoire qu'Héra ne connaisse pas sur les actions de ses frères et il en était de même pour eux. C'était pour ça qu'elle avait appuyé sur les points faibles et sur ses défauts les plus importants pour pouvoir le forcer à accéder aux désirs de son frère ainé. C'est pourquoi il était prudent quant à la manière de lui répondre. En effet, il avait remarqué que la faiblesse des Travers c'était leur égo. S'il voulait rester dans leurs petits papiers, il lui fallait la jouer fine et ne pas se montrer trop arrogant. Héra s'appuya contre le bureau et confirma qu'elle comprenait ses réserves. Elle le fixait de ses yeux et il était évident qu'il valait mieux qu'il ne les quitte pas non plus. C'était un affrontement silencieux de deux esprits qui ne se laissaient pas faire.

Héra Rookood étaient une très belle femme et elle le savait. Son pouvoir tenait à sa personnalité, à son nom, mais aussi à la manière dont elle jouait de son charme. Une femme de pouvoir dans tous ses états. Elle lui assura qu'il avait tort de penser que les Partisans du nouveau Monde ne se relèveraient pas, des dernières épreuves qui, les avaient touchés. Elle commença par le flatter en lui disant que lorsque les choses reviendraient à la normale, les hommes intelligent serait ceux qui avaient choisi d'investir avant la période de faste à venir, puis elle continua en le menaçant en lui rappelant qu'Hadès n'avait pas la mémoire courte et qu'il n'oubliait pas ceux qui lui causait de tort, enfin elle termina sa petite tirade en lui faisant une petite pique sur le caractère trop frileux de ceux qui se laisse aller à la peur de l'inconnu, tout en lui assurant qu'on ne lui avait dit que du bien de lui. Ewan se contenta de l'écouter, tout en continuant de tirer sur sa cigarette. Les volutes de fumée lui permettaient de se donner une certaine constance. Il était difficile de le mettre mal à l'aise mais, il devait avouer que les Travers avaient toujours su comment lui faire se sentir comme un enfant prise en faute. Ils les savaient puissants et il les redoutait plus que quiconque parce qu'ils le connaissaient un peu trop.

« Personne ne pourrait m’accuser de ne pas savoir tirer le meilleur parti des situations qui s’ouvrent à moi. Je l’ai plus d’une fois prouvé sur les territoires indépendants qui m’offrent plus que je ne saurais le dire. La preuve étant qu’Hadès compte s’y implanter aussi, alors même qu’il s’est toujours contenté de son empire chez les Partisans. » Fut la réponse neutre de l’irlandais qui cherchait comment éconduire Héra sans qu’elle ne s’imagine qu’il veuille se faire un ennemi des Travers.

Tâche ardue, car il se demandait comment faire cela. Il savait qu'Hadès cherchait autre chose dans cette soudaine collaboration sortie de nulle part et en retard de presque 10 ans. Ewan ne savait cependant pas ce que cela pouvait être. Il avait donc posé la question à Héra, en espérant gagner quelques minutes de réflexions cruciales pour lui permettre de sortir de cette situation embarrassante et plutôt dangereuse. Même s'il ne l'avouerait jamais, il avait fini par apprécier d'avoir un chez soi. Il ne pensait pas à son appartement quelconque dans le sud de la ville, mais bien à ce bar qu'il avait racheté et fait vivre. Il s'y sentait chez lui et c'était le fief de son empire. Les gens qui travaillaient dans ce bar étaient les siens et il s'était juré de les protéger contre ceux qui leur voudraient du mal ou bien contre eux-mêmes. C'était ce qui lui valait leur loyauté. Cette collaboration que lui offrait Hadès par le biais d'Héra semblait être une véritable menace à cet équilibre. Certes, il aurait davantage d'argent par le biais des moyens des Travers, mais il n'était pas certain de vouloir à nouveau être associé à toutes leurs combines. La réponse qu'Héra lui fournit à cette question le figea un instant qui parut être une éternité. 10 ans auparavant une telle réponse aurait eu le goût de l'ambroisie pour Ewan. Aujourd'hui, elle était à la fois terrifiante et terriblement tentante. Ewan n'avait jamais caché l'attraction qu'était pour lui Hadès.

« C’est assez… inattendu. Je… »

Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas paru aussi hésitant. Il allait ajouter quelques mots quand deux coups se firent entendre à la porte. Ewan fut surpris. Il se rappelait bien d'avoir prévenu Oegus et les autres qu'il ne serait pas disponible. Il ne fallut pas longtemps pour qu'Héra et lui découvre qui était la personne. La porte s'ouvrit et se fut Hadès Travers en personne qui vint faire son apparition. De quoi scotché Ewan à son siège. Quelques années étaient passées et le sentiment d'attraction qu'il avait toujours ressentit en la présence de son mentor, n'avait pas changé. La distance n'y ferait jamais rien. Ewan n'était pas stupide et il savait pourquoi il avait choisi de ne pas rester plus longtemps avec lui. Il savait qu'il se brulait les ailes avec Hadès Travers et que personne ne pouvait le sauver de lui-même. Cette attraction avait été différente de celle qu'il avait ressentie pour Désirée, des années avant de venir vivre aux Etats-Unis, ou de celle qu'il avait eue pour Darius, Cathy ou Samira. Hadès s'excusa comme s'il était simplement en retard à quelques discussions mondaines et il se tourna vers lui et le salua. Ewan ne put rien dire, comme autrefois et se contenta d'hocher la tête. Cette voie et sa présence lui avaient manqués. Il fallait l'admettre, Hadès continuait à lui faire un effet que peu de monde n'avait jamais eu sur lui. Un véritable fléau en quelque sorte. Il n'y aurait rien, qui ne pourrait changer cela. Il le comprenait maintenant. La salutation fut courte, mais elle parut prendre des années pour Ewan. Hadès se tourna ensuite vers sa sœur pour s'excuser de son interruption inopinée.

La très belle femme qu’elle était lui pardonna bien vite. Il n’y avait pas d’actions ou de problèmes qui pouvaient se mettre entre les Travers. Elle le lui fit vite savoir. Ewan avait surtout l’impression d’être pris dans les mailles d’un filet dangereux qui mettrait sa volonté à rude épreuve. Il ne pouvait sincèrement pas dire que la venue d’Hadès soit une bonne chose. Certes, c’était vraiment une rencontre qu’il avait attendu et qu’il savait qu’elle arriverait dans sa vie. Les Etats-Unis étaient bien trop petits pour qu’Hadès t lui ne se rencontrent pas une nouvelle fois. Il n’avait fallu que dix ans. Les années étaient passées tellement vite. Il aurait pu se sentir flatté qu’Hadès décide de se joindre à cette discussion alors même que sa sœur lui avait assuré qu’il avait tant à faire. Selon ce qu’il avait pu apprendre de la bouche du journaliste Fernandes, les affaires des Travers étaient de plus en plus criminelles. Il savait donc qu’elle devait prendre beaucoup de leur temps, alors pourquoi Hadès avait-il donc décidé de venir ?

Ewan ne pensait pas que la proposition d'Héra était aussi sérieuse et importante. Cela replaçait leur discours dans une tout autre dimension. Une qui ne lui paraissait pas particulièrement plaisante. Notamment quand il vit qu'Hadès se plaça dans une position d'observation. Ewan avait une douloureuse impression. Héra vint se positionner derrière lui et tout en lui souriant elle prit à partie son frère en lui répétant la question qu'il lui avait posée plus tôt avant que son frère ne débarque, au milieu de leur conversation. Les sentiments pouvaient être un véritable fléau. Ewan savait qu'il en avait pour Hadès Travers. De la même manière qu'il en avait pour Cinder, il était incapable de mettre des mots sur ces sentiments. L'amour, le désire, la luxure, c'étaient des termes qui ne lui parlaient pas et qui n'avait pas d'échos dans ses pensées. Il ne les associait jamais à la jolie asiatique pour qui il se sentait proche et il ne le faisait pas non plus pour le mentor qu'il l'avait en partie façonné. Il écrasa sa cigarette dans son cendrier, placé sur le bureau et continua à fixer les Travers en espérant qu'une solution viendrait d'elle-même. Actuellement, il avait plutôt l'impression qu'on lui pointait une arme sur le torse en lui faisant croire qu'il avait le choix. Entre la soumission ou la mort, quel est le meilleur choix ?

« En effet. » Répondit Ewan à la question d’Héra. Se tournant vers Hadès, il le fixa avec une part de son admiration dans le fond des yeux avant de continuer à prendre la parole. « Je me demande pourquoi après tant d’années, les territoires indépendants deviennent tout d’un coup d’un intérêt quelconque pour la famille Travers. Je sais qu’il est de bon ton entre les différentes factions d’essayer de séduire les territoires neutres et de les insister à faire un choix, mais dix ans c’est un peu long pour venir me demander de me joindre à nouveau à l’expérience Travers. Donc ma question, c’est qu’est-ce que tu cherches réellement à obtenir de moi, Hadès ? » Il avait laissé tomber le vouvoiement qu’il avait employé avec Héra. Il y avait une longue histoire entre Hadès et Ewan qui se passait d’une telle politesse forcée. « Mais aussi pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Tu serais venu quelques années auparavant et je ne suis pas sûr, que j’aurais hésité aussi longtemps. Il serait stupide d’avouer que je n’ai pas été longtemps dévoué à ta cause pour laquelle j’ai participé, pendant un temps. Faire venir Héra pour me tenter était en effet un coup de maître mais moins que cette soudaine apparition… »

Oh oui ! Cette apparition était plus qu'un coup de maître. C'était une véritable maestria qui ressemblait bien à l'homme qu'était Hadès. Ewan sentait qu'il aurait beaucoup de mal à se débarrasser des deux Travers pour obtenir à nouveau cette liberté qu'il avait commencé à chérir. Il aimait l'argent mais la liberté n'avait pas de prix et il n'était pas prêt à redonner son âme à Hadès. Il l'avait tenu pendant un temps fort long et Ewan avait eu beaucoup de mal à se reconstruire loin de l'ombre parfois bienveillante, parfois agressives de son ancien mentor. Il réfléchissait, mais il ne voyait pour l'instant aucune échappatoire à cette situation. Son pouvoir dans les territoires indépendants était relativement important, mais il y avait une limite quand même. Les territoires neutres étaient de tout manière bien moins puissants que les autres et les ressources, bien qu'importante, ne lui permettrait pas de se débarrasser des Travers. Ewan n'avait pas encore envie de fuir et de recommencer. Nashville était sa ville et le fief de son petit réseau. Il n'allait pas la brader à la volonté de plus puissants.

Nouvelle mise ○ ft. Héra & Ewan