Anonyme

Chaque journée apportait son lot quotidien de nouveauté. Malgré tout cela, Ewan restait profondément vide à l’intérieur. Il y avait beau y avoir dès l’argent qui rentrait dans ses caisses chaque nuit, il était toujours en manque. Le nombre avait beau augmenter, il était toujours insatisfait.  Pourtant, chaque nuit il rejoignait le pub, son théâtre d’opération et endossait le rôle du gentil patron de bar irlandais. Un manteau qui le gênait un peu aux entournures et qui devenaient de moins en moins seyant. Puis quand les lumières s’éteignaient et clients quittaient les portes de son établissement, il enlevait son masque et enfilait un autre vêtement : celui du petit parrain de la mafia locale et d’informateur. Un boulot qui rémunérait bien mieux que le précédent mais, qui était bien plus dangereux en terme de légalité. Cependant, c’était celui qui lui permettait d’assouvir ses envies d’argent. C’était une faim qui n’était jamais étanché. Le Professeur avait l’habitude de dire que rien ne nous rendait plus faible que la solitude, à l’exception peut-être de l’envie.

Des conneries ! Heureusement qu’il n’y accordait pas la moindre foi. Il était encore assis dans sa cuisine. Un lieu froid. Thalya se foutait toujours de lui quand elle voyait son intérieur. Elle avait bien essayé de rendre l’endroit plus accueillant mais, c’était impossible. Ewan ne s’y sentait pas chez lui de toute manière. Il y avait peu d’endroit où il se sentait chez lui, de toute manière. La place, la plus importante est sans aucun doute, le pub. Il en avait pris soin. L’établissement était partie de rien ; il en avait fait un lieu incontournable de la jeunesse de Nashville et des mordus de musique celtique et country. Faire de l’argent, c’est ce qu’il maitrisait le mieux. C’était in de ses talents.  Il était plutôt malin et il aimait l’argent plus qu’autre chose dans cette vie. Ça lui attirait aussi des ennuis mais, ça, c’était une histoire à part. L’horloge au mur sonna et il comprit, qu’il était temps de se rendre au BlackStone où l’attendait déjà Declan, Oeugus et les autres. Il venait toujours un peu après l’ouverture. Il n’y avait pas de raison de  venir tôt. Le pub marchait très bien.

Il sortit de son appartement et referma la porte. Le bruit attira sa logeuse qui ouvrit la fenêtre de son propre logement pour lui faire un signe de la main. Ewan préféra agir comme s’il ne l’avait pas vu. Cette vieille folle faisait partie de ses personnes qui ne comprennent pas que le célibat est un choix. Elle essayait sans cesse de le convaincre de voir une de ses bonnes amies ou leurs filles. Voilà, bien une chose qu’il fuyait comme la peste. Ewan n’avait aimé que deux personnes dans sa vie et chacune d’entre elle, avaient été une erreur. La première utilisait son amour comme des chaines pour le retenir et la seconde l’utilisait comme une arme. C’était à la fois douloureux et pathétique. Il avait préféré les fuir toutes les deux. La distance avait toujours réussit à sauver sa mise. Le pub n’était pas bien loin de là où il vivait et il s’y rendait toujours à pied. Une routine qui lui avait déjà couté une cicatrice dans le dos. Pourtant, il avait décidé de continuer. C’était comme de faire un pied de nez à ceux qui seraient ravis de la voir quitter la ville et que son empire illégal s’effondre. Il passa la porte de derrière et salua Sorcha. Elle lui était reconnaissante mais, elle le craignait presque autant que ses tourmenteurs. Pourtant, elle restait ici.

Alors qu’il se dirigeait vers le comptoir principal, une de ses récentes serveuses, l’arrêta. Son plateau était chargé de consommations pour les clients. Le pub se remplissait toujours assez rapidement les soirs de fin de semaine. La serveuse lui souffla que quelqu’un l’attendait. Il fronça les sourcils. En début de soirée, il ne recevait personne, habituellement. Elle lui montra un coin de la pièce, un peu en retrait et dans l’ombre. Il distingua de loin la forme d’un homme, une bière sur la table. Il demanda à la serveuse, si la personne avait laissé un nom mais celle-ci répondit par la négative. Il lui faudrait donc aller voir par lui-même.  Il fit un signe à Declan pour lui dire qu’il ne pourrait pas l’aider tout de suite. Il faudrait vraiment qu’il pense à engager quelqu’un d’autre pour aider le vieil homme. Il ne rajeunissait pas et lui-même était trop occupé par ses propres affaires. Il s’approcha de la table et dévisagea la personne qui l’attendait. Ce ne fut pas difficile de le reconnaitre. Pas une bonne idée de rester à découvert.

« Il parait que vous m’attendiez. Je pense qu’il vaudrait mieux pour nous, que nous nous rendions dans mon bureau. »  Dit Ewan.

Il fit un autre signe à Oegus. Il faudrait qu’il ouvre doublement les yeux. Le géant muet se contenta d’un signe de tête mais, il avait compris. Ewan ouvrit la route pour son visiteur et ouvrit la porte de son bureau. Il lui désigna un des sièges et s’installa derrière l’imposant bureau en chêne qu’il possédait dans cette partie du pub où personne ne viendrait les déranger.  Il sortit une cigarette et l’alluma. Une vieille habitude.

« J’espère que la fumée ne vous gêne pas. Servez-vous, si jamais vous avez besoin. » Commença Ewan avant de reprendre la parole. « Je ne m’attendais pas à vous voir, ici. C’est inattendu. Que puis-je pour  vous… Seavus Yaxley ? »

Pour une surprise, s’en était une. Il ne s’attendait pas à cela. Mais c’était le genre de surprise qui l’intriguait. Ewan aimait jouait avec le feu. Il se brûlait parfois cependant cela ne l’inquiétait jamais, au début.

Anonyme

Ewan avait fini avec les années par arrêter de se sentir surpris en voyant certaines têtes passer l’entrée de son bar. A mesure que son réseau d’informations et sa main mise sur la ville de Nashville ainsi que sur le trafic d’argent sur le territoire, augmentait, il avait vu de plus en plus de personnes plus au moins importante venir au Blackstone. Les premiers temps la surprise était de taille. Personne ne pouvait imaginer que ces personnes se rendraient jusqu’ici pour obtenir ce qu’ils voulaient. La vérité c’était que l’information était un pouvoir important et bien que ce n’était pas l’activité qui lui rapportait le plus d’argent, Ewan avait continué à le faire vivre et croitre pour pouvoir s’en servir, si besoin est. Parfois ça se révélait très utile. Quand il était arrivé à Nashville, fuyant New Phoenix, il n’avait pas prévu de faire ce travail en plus de celui de Bookmaker et de patron de bar. La chose était arrivée assez fortuitement quand il fit la connaissance de Hawke à Memphis. Hawke était déjà ce qu’il allait devenir par la suite. C’est lui qui lui parla de l’intérêt de l’information et de son pouvoir immense : une idée qui trouva un écho en lui.

Lorsqu’il reconnut Saevus Yaxley parmi ses clients du jour, il se demanda lequel de ses masques il allait devoir mettre en avant et pourquoi il serait utile pour le leader déchu des Partisans du Nouveau Monde. Ce qui était certain c’est qu’il n’était pas une bonne chose de le laisser rester parmi les autres clients et inconnus qui passaient dans son pub, chaque jour. C’est pourquoi il avait préféré le faire venir dans son bureau du fond du pub. C’était un décor planté pour la galerie. Bien qu’il y fasse la plupart de ses affaires, la vérité c’est qu’il en effectuait une bien plus grande partie, en dehors de ses murs. Rien que d’imaginer faire venir la plupart des gens qui travaillaient pour lui dans cette pièce, semblait être ridicule. Malgré tout, Ewan aimait bien cette pièce où il n’avait pas besoin de se poser de questions sur la manière d’agir. Depuis quelques temps, il remettait en cause qui il était. Ewan ne savait plus s’il était davantage son personnage de gentil barman ou bien son personnage de méchant parrain. C’était une question épineuse qui disparaissait dès qu’il s’installait dans son fauteuil, une cigarette à la bouche.

Il en proposa bien une à Yaxley mais celui-ci n’était pas amateur. Cela avait peu d’importance. Il profita de sa première bouffée. La première est toujours la meilleure. C’était quelque chose qui pourrait valoir de nombreuses discussions mais, ce n’était pas le propos de cette rencontre. De toute évidence, Saevux Yaxley n’était pas venu au Blackstone uniquement pour prendre une pinte de Guinness set profiter de l’aspect pittoresque d’un pub irlandais en plein cœur de Nashville. Il fallait être stupide, pour ne pas s’en rendre compte. L’homme politique, le fixa pendant un instant avant de plonger la main dans la poche de sa veste. Ce n’est jamais une bonne chose quand quelqu’un faisait cela. Ewan se tendit, on ne sait jamais ce qui pouvait arriver. Cependant, il ne s’attendit pas à ce qu’il vit. Yaxley sortit de sa poche un morceau de papier, plié en quatre. Il posa ce papier sur son bureau et le fit glisser jusqu’à lui. Ewan posa sa main sur le papier et le prit dans le creux de sa main. L’homme reprit la parole et lui annonça qu’il avait un travail à lui fournir qui consistait à faire diffuser le message sur ce papier à travers ses réseaux d’information.

Cela intrigua l’irlandais d’origine et tout en écoutant Yaxley, il ouvrit le papier et lu le message qui y était inscrit. Ca n’avait pas de sens pour lui et très franchement, il se fichait bien de ce que ça pouvait signifier. Ewan n’était pas intéressé par les complots et autres messages secrets. Il préférait le calme des salles de paris et les activités plus lucratives. Ce que lui demandait Saevus Yaxley était à la portée de la plupart des diffuseurs d’informations de ce pays qu’ils soient légaux ou non (comme lui) et ils étaient suffisamment nombreux pour qu’on ait le choix de son favori. Hawke avait plus d’expérience que lui dans le milieu. Il se salissait les mains, toujours, quand il faisait son métier. Ce qui prévoit le desservait. Cependant, on pouvait toujours se rabattre sur le russe Alexei qui vivait dans sa tour d’ivoire et faisait circuler les informations.

« Je ne vois pas ce qui pourrait être un véritable problème dans cette affaire. Passer un message dans le réseau c’est fort possible, par contre, delà à vous prévoir un résultat en moins d’une semaine sans savoir qui doit le recevoir, je pense que c’est une chose plus difficile. Pas impossible mais, difficile, très certainement. » Fut la réponse d’Ewan face à la lecture de ce charabia inintéressant.

Le sorcier n’avait pas vraiment d’intérêt à connaitre le destinataire de ce message. Ca ne le regardait pas et il avait pris soin de toujours rester neutre dans son travail comme dans la vie de tous les jours.

« Ma véritable question c’est pourquoi être venu à moi quand vous avez le choix. Je ne suis pas le seul à faire ce travail et je ne doute pas qu’un homme qui a été… est… » Il mit une légère hésitation sur le dernier mot avant de reprendre « dans votre position, peut facilement se permettre de voir certains de mes collègues, comme on pourrait les appeler. »

La vérité c’était que sa petite entreprise d’information devenait un peu trop connu ces derniers temps et ce n’était pas forcément une bonne chose. Il tira une feuille du bureau. Le genre de paperasse qui faisait de son travail un truc un peu sérieux alors que c’était loin d’être totalement légale. Ca faisait partie du décor, ça aussi.

« Vous y trouverez mon prix. C’est très raisonnable notamment pour une si petite chose. Par ailleurs, jusqu’au ce message doit-il aller. Est-ce que le pays suffira ou dois-je le faire parvenir jusqu’à la sortie de nos frontières ou même au-delà ? » Il tenait toujours le papier entre les mains : une si petite chose pour un si grand mystère. Sa question n’était pas tout à fait innocente. Si Ewan se fichait du contenu et du destinataire, cela ne voulait pas dire que personne d’autre n’y verrait aucun intérêt. Après tout, il y avait un business à faire vivre.

Anonyme

Apparemment, le déchu leader des Partisans du Nouveau Monde, avait son propre plan et il n’avait pas particulièrement besoin de lui pour cela. A sa question sur pourquoi l’avoir choisi lui plutôt qu’un autre, il avait préféré tournée cela en une autre question qui aurait pu presque passer pour un compliment flatteur si cela importait réellement à Ewan. Les flatteries et les compliments ne font pas rentrer d’argent. Il n’y a que le jeu, le bluff et les bonnes décisions qui permettent de vous offrir le plus d’argent. Mais le sourire et son visage fixé sur lui de Saevus, pouvait tout aussi bien être un bluff. Quel fascinant spectacle que de voir une personne de pouvoir tenter de vous montrer l’étendue de ses capacités. Ewan tira une nouvelle bouffée de sa cigarette en gardant le silence. Il remerciait le ciel de ne pas avoir continué à chercher une position de pouvoir plus importante que celle qu’il maitrisait actuellement. Il ne ferait jamais un bon politicien. Il était égoïste et pensait à lui avant tout. De temps en temps à ceux qu’il considérait comme être le sien et bien souvent à l’argent qui était sa liqueur de vie. De toute évidence Saevus pensait qu’il avait le pouvoir d’arrêter son réseau d’un claquement de doigts. Tout comme le pensait Hadès, Héra et chacun de ceux qu’ils avaient rencontrés jusque-là. La menace n’avait plus d’effet quand tant de monde vous informe qu’ils vous permettent de vivre uniquement par leur bon vouloir.

« Je ne pense pas grand-chose de cela. On ne me demande pas de penser dans ce genre de travail et je m’y refuserais de toute manière. Je me contente simplement d’informer et de transmettre. Voyez-moi comme un moyen de communication. Ma question relève simplement de l’information, encore et toujours. » Répondit Ewan avec calme.

Il lui transmit ses honoraires et l'homme politique y jeta à peine un coup d'œil. Cela n'étonna guère l'irlandais. S'il connaissait son réseau, il en savait aussi les prix. Ils étaient peu nombreux, ceux qui venaient le voir en ayant pas de quoi payer ses informations ou la diffusion des leurs. Cela prouvait cependant que l'ex leader des Partisans du Nouveau Monde, avait des nombreux moyens, à sa disposition, auxquels il pouvait avoir accès même loin de son pouvoir… où de ce qu'il devait en rester. Saevus Yaxley lui confirma qu'il serait payé dans les délais les plus brefs s'il faisait son travail : à savoir distribuer ce message sur tous ses réseaux. Cela répondit à sa question sur jusqu'où il devrait le diffuser. A la fois intéressant et terriblement ennuyant. Cela semblait un travail tellement facile qu'il aurait presque préféré que l'homme lui envoie un courrier pour ce genre d'action. Bien entendit, il ne le lui fit pas savoir. Inutile de froisser l'égo d'un homme de cette importance. Nul ne sait quand il va se retourner contre vous et Ewan n'avait pas particulièrement envie d'avoir Saevus Yaxley sur le dos. Il devait déjà se débrouiller avec Hadès et Héra Travers qui semblaient croire qu'il était prêt à tout pour une ancienne relation qui lui avait permis d'en être là où il était. Les Partisans du Nouveau Monde n'étaient guère faciles à gérer : qu'il soit des hommes politiques, des industriels, des gérants de casinos ou des journalistes.

Heureusement pour lui, l’homme n’avait pas l’intention de s’éterniser plus longtemps, ce dont Ewan lui était plutôt gré. Il le vit replacer son capuchon sur son visage pour dissimuler à nouveau ce faciès si reconnaissable. Il faut dire que les actions des Yaxley, depuis la Grande Catastrophe, avaient fait couler beaucoup d’encre. De toute évidence, cela allait continuer à en être ainsi. Si leur nom avait été plutôt synonyme de héros et de progrès, ces derniers temps, il était plutôt questions de mensonges et de trahisons. Une réputation salie par un autre membre de la famille. Ewan ne regrettait pas d’avoir été fils unique. Il avait déjà dû subir l’amour maladif de sa mère, il n’aurait imaginé ce que cela aurait fait s’il avait eu un frère ou une sœur. De toute évidence, il y aurait eu, une personne de trop. Il n’eut pas le temps de remercier l’homme que celui-ci lui sortit un petit laïus sur la discrétion et le sort qu’il lui ferait subir s’il venait à trahir ce silence. Ewan haussa les sourcils, un brin surpris du tour de la conversation. Il était difficile d’imaginer ce qu’il avait vécu chez les Inquisiteurs mais la paranoïa semblait presque un effet secondaire d’un séjour prolongé au Bastion.

« Oui j’en ai eu vent. Je pensais simplement que vu votre connaissance des réseaux criminelles de ce pays vous seriez que ce genre de menace est complètement inutile ou bien cela prouve que vous ne connaissez pas assez le sujet. La preuve qu’être un Yaxley n’apporte pas tout et que la force brute n’est pas loin d’être le synonyme de grossièreté. » Fut sa réponse. « Vous ne devez pas avoir autant l’habitude que cela de ce genre d’arrangement car vous seriez que la discrétion est la pérennité d’un réseau comme celui-ci. Soyez assuré que je ne vois aucun intérêt à ébruiter cette rencontre. Je ne tiens pas à mettre ma petite entreprise à mal. Vous le savez, vous n’êtes pas en odeur de sainteté dans le pays. Vous avoir comme client c’est loin d’être une si bonne promotion. Ce n’est pas une critique… » Il s’arrêta un instant avant de reprendre. « C’est un fait. »

Il montra la porte de sa main et comme par magie, comme si ce dernier avait entendu un son, Oegus vint l’ouvrir pour lui faire signe que la prochaine personne ne tarderait pas à arriver. Encore une longue journée de travail.

« Nous n’avons pas envie, ni vous ni moi, que cette discussion dure plus longtemps. Votre requête sera bien entendu traité… dans tous les termes que vous avez indiqués. Il se trouve que la personne suivante est là. En espérant que vous trouverez satisfaction. »

Il termina sa cigarette et l’écrasa dans le cendrier qui se trouvait sur son bureau. Il n’avait rien à ajouter. Ewan espérait que les Partisans du Nouveau Monde cesseraient de se presser dans son bureau. Il ne regrettait pas d’avoir quitté New Phoenix, quelques années auparavant et de ne pas choisir une faction à soutenir. Il se demandait comment Cécil faisait pour gérer la pression. D’une certaine façon, il l’admirait de continuer à s’accrocher dans la sphère politique.