Nous venions de rentrer au manoir Jenkins après un transplanage et je me défaisait de la prise de ma mère. Je l'entendis me parler mais je ne voulais pas l'écouter. Je pris le couloir menant à mes appartements du moins c'était ainsi que mes parents les appelait. Je préférais le terme de chambre, ou suite. Assise sur mon lit je regardais les photos magiques posées sur la commode de style contemporaine que j'avais fait acheter par Ulrich lorsque j'avais 6 ans. Je m'en souvenais comme si c'était hier, je lui avais dis que je voulais un meuble de grande fille et je l'avais obtenu. Ma sœur avait par la suite encadré toutes les photos que j'avais rangé dans un classeur pour les dispersées sur ce meuble. J'aimais les regarder, car elle me montrait divers sentiments vécus.


La joie comme la photo où nous jouions dans le parc, Ulrich courant après moi, alors que je tentais de lui échapper en riant. Ou encore celle de ma sœur et moi, nous baignant dans le lac de la propriété, en nous éclaboussant. Mais aujourd'hui même ses photos ne me faisait pas sourire. Même pas l'ébauche d'un micro sourire, non juste de la nostalgie d'une époque où j'ignorait tout. Le verdict était tombé, "troubles psychologiques" voilà ce que l'énième médicomage venait d'annoncer à ma mère. Même si je connaissais déjà ce résultat pour l'avoir entendu plus d'une fois. Mais ma mère après avoir fait viré le médicomage qu'elle jugeait incompétent, en trouvait un autre qui jugeait le résultat exact. J'en avais assez d'être balloté de bureau médicale en bureau médicale. Ma mère aigrie comme d'habitude selon moi, continuait de vouloir encore et encore l'avis de psychomages, médicomages et j'en passe. Pourquoi me faisait-elle ça? Tout cela était de sa faute à elle et mon paternel, eux et leur consanguinité, voila la raison de ce changement en moi.  

Je me renfermais dans ma chambre et lorsque je me vis dans le miroir, je vis mon reflet. Blafarde à cause des divers tests magiques que l'on m'avait effectué aujourd'hui. Dans un élan de colère, je lançais mon poing dans le miroir fissurant ainsi le verre, et ma rage augmenta. J'envoyais valser tous ce qui me passa sous la main, chaise, photos si chère à mon cœur, produits de beauté, oreillers, livres... Tout y passa, la chambre si bien rangée était à présent un capharnaüm sans nom dont j'étais l'investigatrice. Exténuée par cette accès de rage soudaine, je m'écroulais au sol en pleurs ne pouvant arrêter les perles salées de coulées de long de mes joues.  
Lorsque j'entendis des pas venir dans ma direction, je me prostrais dans un coin de ma chambre, ma tête cachée dans mes bras qui eux enroulais mes genoux contre mon torse. Les pas étaient à présents de plus en plus nets, et je sentis le délicieux parfum de ma sœur, ce qui me fit relevé la tête.

- Prend ça, cela te fera du bien. Je vais aller chercher Ulrich d'accord. Me dit-elle, sans aucune once de jugement ni de méchanceté dans la voix.  

Je bus la potion que j'identifiais par son goût amer comme une potion de sommeil sans rêve, et me glissais dans le seul coin que j'avais épargné durant ma crise. Mon lit, où je me blottie sachant qu'à mon réveil Ulrich serait là.

Ulrich était plus que ravi de la vie qu'il menait. En quittant le manoir familial, il avait l'impression d'avoir retrouvé sa liberté et ne se gênait pas pour en profiter allègrement. En ouvrant sa boutique, devenant l'un des rares apothicaire fiable du territoire des mages fondateurs, il s'assurait un revenu confortable qui le dispensait de quémander de l'argent à ses parents, le rendant encore plus autonome et fier. Son seul regret était de ne pas pouvoir voir ses soeurs plus souvent. Il était très proche d'elles et particulièrement de la cadette, Aurélia, qui était sa fiancée et il ne pouvait que se remémorer les instants passés avec elles, désormais éternel spectateur de cette vie qu'il avait l'impression d'être celle d'un autre.
Il travaillait lorsque la porte de la boutique s'ouvrit sur l'aînée des demoiselles Jenkins. Elle avait l'air un peu paniquée et il décida de laisser ses clients aux bons soins de son nouvel apprenti pour s'occuper d'elle. La faisant monter chez lui et fit apparaitre tasse et théière. « Qu'est-ce qui se passe ? » Elle renifla un peau, se mouchant dans une serviette et, sans le regarder dans les yeux avoua. « Ulrich, on voulait pas t'en parler ... Maman était persuadée que tout s'arrangerait avec le temps mais c'est Aurélia. » Il s'installa plus confortablement. « Quoi Aurélia ? Qu'est-ce qu'elle a Aurélia ? » La jeune femme était mal à l'aise. Elle se tortillait sur sa chaise et Ulrich ne savait comment réagir. Il était partager entre l'inquiétude et l'ennui: Aurélia était grande maintenant, elle n'avait pas besoin d'une nounou et leur mère avait tendance à voir le mal partout ! Encore une fois, il n'avait pas voix au chapitre, mais il trouvait que toute cette paranoïa autour de son état de santé devenait ridicule. « Ecoute ... Les médicomages lui ont trouvé des petits troubles de la personnalités. » Il haussa un sourcil mais n'eut plus d'explication, Aurélia voudrait certainement en parler directement avec lui. « Il faut que tu rentre, Ulrich ... » Il acquiesça, la laissant le précéder le temps de prévenir son apprenti de son absence et transplana.

Il ne prit pas la peine de s'arrêter dans le salon où se trouvait sa mère. Cette dernière hurlait tellement fort qu'il était persuadé que les voisins, pourtant à bien des kilomètres de là, pouvait profiter de ses éclats de rage. Il grimpa rapidement à l'étage, là où il savait la chambre de la jeune femme, ignorant les cris de la maîtresse de maison l'appelant. Il n'avait pas le temps pour ça. Il avait entendu vaguement les mots de consanguinité et de pureté du sang, mais il n'y prêta pas attention: il aurait le temps plus tard, lorsqu'il saurait Aurélia calme et souriante. Il traversa les couloirs d'un pas rapide et frappa à la porte de la chambre. Aucune réponse ne vint. Il tourna la poignée, et entra dans la pièce, ravagée comme il ne l'avait jamais vu. Enjambant des objets brisés, il se demandait ce qui avait causé un tel accès de colère. Il sourit. Généralement, il avait le monopole des crises de colère. La seule chose à peu près en bon état était le lit, sur lequel était allongée la jeune femme. Il s'assit sur le rebord du lit, la regardant dormir. Elle semblait si paisible, si fragile. Il caressa ses cheveux, embrassant son front avec tendresse, attendant qu'elle se réveille.

Ulrich avait toujours été en opposition totale avec ses parents: certes il avait été un enfant difficile, bien qu'intelligent, et ne supportait pas la moindre trace d'autorité. Même s'il avait beaucoup de respect pour eux, il savait que vivre sous le même toit était, aujourd'hui comme hier, impossible. Cela faisait bien longtemps qu'il avait quitté le domicile familial, profitant de sa majorité pour partir faire sa vie ailleurs, bien que gardant un oeil sur ses soeurs adorées. Il n'y avait qu'avec elles qu'il n'entrait jamais en conflit: il les adorait bien trop pour cela. Aussi, il était présentement furieux contre sa mère. Il reconnaissait qu'il lui devait beaucoup: elle lui avait donné la vie, avait toujours calmé les colères de leur père et lui avait permit de s'installer au dessus de sa boutique, fournissant les fonds nécessaire à son indépendance. Indépendance qu'il s'était toujours obligé à rembourser, désirant ne rien leur devoir de plus. Cette compréhension dont elle faisait preuve permettait à Ulrich de lui pardonner bien des choses: comme ses critiques ouvertes envers sa soeur ou son obsession de faire d'Aurélia l'épouse parfaite quitte à la brider dans ses rêves ... Mais aujourd'hui, il prenait conscience que certaines choses ne se pardonnaient pas. Cela faisait bien longtemps qu'il n'aimait pas les remarques qu'elle faisait à sa cadette: s'imposant parfois plus comme le fiancé que comme le frère, pour tenter de calmer les colères de cette mère si exigeante. Même s'il n'entendait plus distinctement ce qu'elle disait, les bruits étouffés de sa colère parvenaient aux oreilles de l'apothicaire qui se retenait de redescendre régler ses comptes. Cela aboutirait à une énième dispute, il le savait, et il se retenait tant qu'il était encore capable de le faire. Rien ne servait d'exploser pour rien. Pas maintenant. Il sortit son calepin et commença à travailler, préparant les commandes qu'il avait à livrer pour le lendemain. Il avait l'habitude de venir à l'improviste, souvent pour calmer sa mère et, ensuite, il montait dans la chambre de sa soeur pour vérifier que tout allait bien. A chaque fois que quelque chose n'allait pas il accourait et ne repartait qu'après leur petit rituel: un sourire, une promesse et la garantie qu'il reviendrait très vite la voir. Aussi était-il habitué à attendre pendant qu'elle dormait ...

Au bout d'une heure, il se leva, endolorie par la position peu confortable de ses fesses sur le matelas: il s'étira et attrapa un livre quelconque dans le but de passer le temps. Un peu plus tard, Aurélia commença à bouger dans son sommeil mais il ne stoppa pas sa lecture: il fallait lui laisser le temps d'émerger, sans quoi elle devenait une vraie furie. Comme lui. Les réveils dynamiques n'étaient pas le fort de la famille. « Bonjour. » Sa voix résonna dans la pièce et il leva les yeux sur elle, refermant d'une main son livre. « Hey ... Comment te sens-tu ? » Question idiote, routinière. Il voulait en savoir plus sur les raisons de sa présence. Bien sur, on lui avait vaguement expliqué de quoi il en retournait, mais il voulait la version d'Aurélia. Son sentiment et non pas les faits. « Dis moi ... Tu as foutu un joyeux bordel par ici ... Je suis persuadé que certains meubles ne méritaient pas pareils traitement ? Tu t'était cogné le pied dedans en te levant ? » Il essayait de détendre l'atmosphère: pas la peine de lui en remettre plein la tête alors qu'elle émergeait doucement du pays des rêves.