Lorsqu'enfin Raphaël reprit conscience, il mit quelques adorables secondes à comprendre ce qui venait de se passer mais Thomas venait déjà de le pardonner. C'est qu'il était mignon avec la tête encore toute embrouillée de sommeil.
Ainsi, lorsqu'il s'excusa, très gêné, l'éditeur leva la main et lui fit un petit sourire.

-Ce n'est rien, je comprends.

Il se mordit la lèvre mais ne trouva rien d'autre d'intelligent à rajouter. Les deux hommes reprirent leur veste et se dirigèrent vers la sortie.
Raphaël était légèrement devant lui et Tom se demandait s'il devait se saisir de sa main ou pas ? Discrètement évidemment, de manière collée serrée pour que les regards désapprobateurs ne lui fassent pas immédiatement lâcher prise.
Mais le temps qu'il se décide, ils étaient déjà dehors et Raphaël lui proposa de le reconduire chez lui tout en affirmant qu'il venait de passer une excellente soirée ce à quoi la seule réponse de Thomas fut un sourire idiot et un "ouiouimoiaussi" presque incompréhensible.

Cette fois ci, Thomas était plus sûr de lui et il s'empara de sa main, ravi de pouvoir la retoucher sans devoir y réfléchir à deux fois.
Agrippé de la sorte à lui, il n'aima toujours pas l'expérience et ne rouvrit les yeux - le tournis étant plus violent qu'à l'allée - que lorsque Raphaël s'écria "Je vois où nous sommes!"
Perplexe, l'éditeur rouvrit les yeux et reconnu son quartier.
Marchant côté à côté, la panique commençait à revenir.
Devait-il l'inviter chez lui ? Comment lui dire au revoir ? Et que dire en cet instant précis pour briser ce silence horriblement gênant ??

Heureusement, c'est Raphaël qui trouva quelque chose à dire. Et pas n'importe quoi ! Il voulait savoir s'il acceptait de le revoir ! Rien que ça ! Continuant à marcher en regardant droit devant lui, il marmonna.

-Moi aussi. J'aimerai effectivement beaucoup vous revoir.

C'étaient de ces quelques secondes étranges où l'éditeur rêvait de deux choses : se reposer sur sa porte fermée et enfin savourer une soirée pleine de stresse terminée mais également... également.... Heureusement que la nuit était noire car Tom rougit jusqu'aux oreilles aux idées qui venaient de lui effleurer l'esprit.

Ils finirent par arriver devant son immeuble. Voilà. Grand Dieu que devait-il faire ?!

-Et bien voilà...Je voulais vous remercier de nouveau pour...pour la soirée et...j'espère que nous allons pouvoir nous revoir...rapidement.

Disant cela il avait sorti ses clés. Ce fut alors ces moments de grâce qui étaient digne d'un roman. Très vite, il se pencha vers Raphaël et lui effleura les lèvres d'un rapide et chaste baiser. Si sa terreur n'avait pas été aussi grande, il aurait du se retenir de ne pas en faire plus. Ce soir cependant, il nageait encore dans l'inconnu et, après quelques secondes seulement de ce doux et maladroit contact, disparu dans les ténèbres de la cage d'escaliers, le coeur battant à tout rompre, se maudissant déjà de ne pas avoir fixé avec lui un prochain rendez-vous.

At the end of the rainbow

Armand était certes un gentil garçon, prévenant tout ça... Mais la nature humaine étant ce qu'elle est, il pouvait parfois se montrer un petit peu hypocrite, bien malgré lui j'entends.
Lorsqu'il affirma à Thomas qu'il n'était pas forcé de lui donner de réponse définitive tout de suite, il sentait bien en l’énonçant qu'il n'en pensait pas un mot. Pourtant il l'aurait vraiment voulu. D'ordinaire il savait se montrer patient, et respectait le temps de réflexion de chacun. Mais dans ces circonstances précises, il était incapable de faire preuve de ce bon sens. Il était impatient, parce qu'il voulait savoir. Est ce que ses sentiments étaient partagés ? Est qu'il pouvait envisager plus sérieusement un histoire avec  lui ? Est ce qu'il lui plaisait ? Et surtout par le Ciel il avait besoin d'être rassuré ! Il ne comprenait pas toujours ce qui pouvait tourner dans l'esprit vif de ce garçon timide, et il avait on ne peut plus peur de s'être fourvoyé. Difficile de différencier ce qu'il ne pensait pas, de ce qu'il n'osait pas exprimer par la parole.

Clairement en prononçant ces mots, Armand était tendu. Lui même avait été un genre d’introverti quand il était adolescent, et il savait bien que mettre un timide au pied du mur, et le harceler jusqu'à ce qu'il réponde, était une très très mauvaise idée...
Mais en même temps il voulait savoir, et toute l'affection qui l'étouffait le rendait horriblement impatient.

Heureusement Thomas ne se prêta pas au jeu des ingénus, et ne le fit pas languir plus que de raison. Ils marchaient côte à côte, quand à mi voix il lui fit une réponse on ne peut plus claire. Armand sentit son cœur bondir dans sa poitrine, autant de surprise que de bonheur. Il baissa la tête pour dissimuler, bien mal, un large sourire euphorique. C'était comme si chaque parcelle de son être s'était mise en résonance, et l’entraînait dans un tumultueux vertige. Il soupira de soulagement, et du reprendre sa respiration avant de réussir à bafouiller :

« Merci... C'est partagé... »

Cette impression que tout dans sa cage thoracique se mettait à frémir était aussi bizarre qu'agréable. Il eut comme un coup de chaud, sans doute crée par ce sentiment satisfaisant d'être aimé en retour. Cette situation était enivrante, et il était comme prit dans un état second. Non seulement Thomas ressentait la même chose que lui, mais en plus il avait réussi à trouver le courage de le lui avouer. Cela avait du lui demander des efforts immenses, et clairement ça n'avait pas de prix à ses yeux.

Il était partit pour continuer à marcher, presque par automatisme car dans son état il était parfaitement incapable de la moindre réflexion. Ne dit on pas que les amoureux perdent le sens commun ? Et par cela même deviennent très bêtes ? Et bien celui ci était très amoureux.

Thomas lui fit signe qu'il habitait dans cet immeuble, et Armand regarda le bâtiment d'un air ahurit avant de le reconnaître enfin. Il n'était venu dans cet endroit qu'il y a quelques heures, mais bon avec la nuit la perception peut changer et... non c'était uniquement parce qu'il avait l'esprit engourdit dans cette attendrissante pensée : Thomas l'aimait. Enfin tenons nous en bien aux faits, ce n'était absolument pas ce qu'il lui avait dit. Et lui non plus ne s'était pas permis cette extravagance de formulation. Pourtant c'était ce qu'il avait comprit, autant dans ses mots que dans ses marmonnements emprunts de timidité maladive.

Cette idée lui martelait la tête, lui faisant perdre tout ses moyens. Toujours autant sur la retenu, Thomas sortait ses clefs de sa poche, les faisant tinter entre ses doigts. Vous lecteurs averti vous savez que nous arrivons au moment fatidique. Celui où dans toutes les comédies romantiques le mec emballe la nana, et plus si possible. Ce pas de porte marquait le moment des aux revoirs, et ça nos deux ingénus avaient beau être nounouilles, ils l'avaient parfaitement comprit. Armand réfléchissait à toute vitesse à quelque chose de pertinent qu'il pouvait lui répondre avant de se séparer, quand Thomas eut le bon goût de lui couper la parole. Certes il y avait bien une chose que notre sorcier, aussi bavard que très à cheval sur la politesse, détestait par dessus tout, c'était qu'on l'empêche de parler. Mais des mutismes comme celui là, il en aurait bien redemandé.

Sur le coup il n'avait rien vu venir. Thomas s'était penché vers lui, et avec posé rapidement ses lèvres sur les siennes. Tout s'était passé très vite, et il n'avait ni eut le temps de se demander ni quoi, ni qu'est ce, ni même de tout simplement fermer les yeux.
De toute évidence, ce petit ingénu bafouillant de Thomas Pea venait de lui voler un baiser. Et dès que ce fut fait, il s'enfuit sans même laisser à son soupirant le temps de lui rendre la monnaie de sa pièce.

On dit que face à un grand choc, l'esprit humain réagit avec une certaine latence. Et c'est exactement ce qui se produisit pour le pauvre Armand, qui réalisait lentement ce qui venait de se passer. Tout lui apparut en entendant claquer la porte de la cage d'escalier, ce qui lui arracha un sursaut réflexe. Son visage blême passa tour à tour par toutes les nuances de carmin, et en posant ses paumes sur ses joues brûlantes, il étouffa un petit couinement extatique. C'était ridicule, c'était nerveux, ça ressemblait à un fou rire mais en plus pitoyable, et à vrai dire ça sonnerait sans doute moins affreux dans la bouche d'une petite pucelle de quatorze ans... Mais ! Peut importe. A ce instant Armand était on ne peut plus heureux, et un sourire jovial illuminait son visage épanoui. Il avait la sensation que son cœur était tellement chargée de bonheur qu'il était en train d'imploser, et il était transporté tout entier dans une euphorie grisante.

Le souvenir de ce baiser extrêmement rapide lui tournait en tête, et il gardait précieusement en mémoire cette sensation réjouissante. Il sautillait presque sur place, ne sachant pas comment extérioriser tout ce tumulte d'émotions qui le submergeait. Armand finit par lever les yeux, et regarda une fenêtre qui venait de s'allumer sur la façade. Il y avait quelque chose de chaud et de réconfortant à observer cette lueur. Non seulement Thomas l'aimait, ce qui n'était pas rien, mais en plus il le lui avait suggéré et prouvé. Lui même n'en attendait vraiment pas autant, et en passant sa main dans ses cheveux réalisa qu'il avait eu une chance immense.

Le contre coup de ce grand bonheur apparu presque aussi soudainement que l'euphorie elle même. C'était comme une silencieuse et glaçante vérité. Il aimait ce garçon de toutes ses forces, mais il n'était plus là. La lumière finit par s'éteindre et il ressentit un immense vide. Il lui manquait déjà. C'était idiot, ça ne faisait même pas dix minutes qu'ils s'étaient quittés. Pourtant il mourrait d'envie de monter le rejoindre, et que ce moment ne s'arrête jamais. Il soupira, car tout cela n'avait rien de raisonnable, et il ne devait pas s'emporter. Certes il avait encore beaucoup de choses à lui dire, mais ça devrait attendre. Il était tard, et en regardant l'heure sur son téléphone se laissa convaincre par l'idée plaisante de lui envoyer un message. Un seul, pas cinquante, et rien qui contienne de près ou de loin une déclaration enflammée. Il s'y essaya à plusieurs reprises, supprimant tout les caractères à chaque fois, incapable de s'exprimer à cause de toutes les pensées qui le perturbaient. Il fini par envoyer le message d'un geste fébrile. Et remettant son téléphone dans sa poche, transplana jusqu'à chez lui, désormais on ne peut plus réveillé.


[FIN pour moi ^^]