Août 2019La sueur perle sur son front tandis qu'une boule au ventre désagréablement familière refait surface. Tom ferme momentanément les yeux pour tenter de prendre du recul : ce n'est qu'une rencontre entre deux personnes. Il y a des entretiens d'embauche tous les jours. Mais celui ci peut changer sa vie.
La maison d'édition Witsel recrute un correcteur/renifleur de talent. Après plusieurs tests, dont un pour vérifier son orthographe, il a été sélectionné pour la deuxième partie. S'il correspond sur papier, il craint qu'il ne pourra pas du tout faire bonne impression en personne. D'ailleurs, pourquoi doit-il les rencontrer s'ils ont jugé ses travaux d'un niveau suffisant ?
La panique sort de tous ses pores. Il est à deux doigts de quitter la petite salle d'attente où une secrétaire ne fait que le fixer (ses vêtements sont-ils inappropriés?) quand Monsieur Witsel en personne sort la tête de son bureau et l'accueille avec un sourire.
Il va mourir.
C'est ce qu'il dit en se levant. C'est anormal de stresser à ce point. Certes, la situation peut être angoissante pour n'importe quelle personne. Mais lui ne supporte pas le regard scrutateur du directeur. Sa main lui parait tellement moite dans celle de Monsieur Witsel. Peut-être ne l'a t-il pas remarqué ?
-Bonjour Monsieur Pea, je suis ravi de faire votre connaissance.
Tom lui fait un petit sourire contrit et avale sa salive. Il devrait répondre quelque chose comme "Merci beaucoup, moi de même", mais aucun son ne sort de sa bouche.
Quelques secondes s'écoulent dans le silence et Tom se maudit de ne pas lui avoir fait croire qu'il était muet. Ca serait parfait. Il ne devrait plus jamais parler de sa vie ! Pourquoi n'y a-t-il jamais pensé auparavant ?
-Vous avez trouvé facilement ?
Grand Dieu, première question. Vite, il faut ouvrir la bouche. Ce n'est pas si compliqué de dire "oui" tout de même. Ou est-ce une question piège ? Devait-il remarquer quelque chose sur le trajet pour montrer son sens aiguisé de l'observation ?
-Oui, je ne suis pas muet.Tom écarquille les yeux, horrifié. Il faut rattraper le tir, son odeur corporel doit se répandre dans tout son bureau ! Même si Monsieur Witsel rigole. Il pense que c'est une blague ? Elle n'est pas drôle !
-Je veux dire, oui, oui votre maison est bien indiquée... -Votre profil a attiré notre plus grande attention et nous avions envie de vous rencontrer en personne.
Tom hoche la tête en souriant bêtement.
Dix longues minutes plus tard, il obtient le poste.
Mai 2030L'envie de retrouver ce sentiment de liberté est trop grande et le fait agir comme jamais il n'aurait osé.
Il a toujours ce contact. En chemin, comme d'habitude, il choisi son trajet minutieusement pour ne pas croiser d'autres passants et ce pour éviter toutes sortes de gènes possibles.
Le sang de vampire lui a toujours fait croire à un monde meilleur ou plus personne ne le jugerait. Où il serait beaucoup plus confiant et où sa vie sociale ne serait pas perverti par sa timidité maladive. Hier encore au bureau, alors qu'un collègue lui avouait de manière adorable qu'il en pinçait pour lui, Tom avait répliqué rapidement "Désolé, j'ai déjà quelqu'un" alors qu'il n'avait personne et que son collègue lui plaisait vraiment.
Comment allait-il pouvoir le recroiser à présent ? Devait-il lui avouer que c'est sa timidité qui avait parlé et qu'il acceptait son invitation ? Son coeur accéléra rien qu'à cette idée.
Si seulement les effets de la drogue se prolongeait plus longtemps !
Il sait le danger de celle-ci, après tout, Tom est un homme cultivé mais c'est plus fort que lui. C'est comme tout ces gens qui fument et qui savent à quel point c'est mauvais pour la santé. Il est pareil.
Le vendeur est là où il pensait bien le trouver. Il ne bouge pas, ce qui le rend immédiatement suspect. Tom s'approche de lui.
-Combien tu veux? Lui demande-t-il.
Sans dire un mot, Tom lui tend une liasse de billet et prend ce qu'on lui donne rapidement pour le glisser dans sa poche. Cette nuit ci, il pourra dormir tranquillement.