La fraicheur de la soirée balayait sa chevelure rousse d'une brise qui la fit frissonner. Elle avait toujours aimé le printemps, le retour des beaux jours, de la chaleur et des pic-niques à l'ombre des arbres du jardin Rookwood. La jeune femme soupira au souvenir du dernier mois de juin qu'elle avait connu, bien loin de toutes les préoccupations qu'elle avait aujourd'hui. Elle enjamba alors le rebord du toit. A certains endroit, le toit de la tour Yaxley n'était protégé que par un rebord de quelques centimètres sur lequel Virginia s'assit, laissant ses jambes se faire happer par le vide, grisée par la sensation de l'adrénaline parcourant son être tandis que la gravité faisait effet sur son corps. Un rien aurait put la faire basculer de l'autre côté, l'entrainant dans une chute qui lui serait fatale et ce danger imminent rendait la situation que plus excitante. Elle n'avait jamais été dépressive ou suicidaire: même quand elle avait perdu son bébé, elle était restée digne, fière, son regard ne flanchant que face à celui de son fiancé ou de ses parents. Adolescente, elle avait piqué de nombreuses colères, menaçant de s'enfuir, de mettre fin à ses jours sans réellement y croire: non Virginia tenait de sa mère sur ce sujet, c'était une battante. Bien qu'envahie par l'excitation du moment, elle reprit son calme, ses yeux clairs se posant alors sur l'anneau qui ornait à présent sa main gauche. Elle n'en revenait pas. Fiancée depuis son plus jeune âge, apte à saisir ce que cela impliquait depuis son adolescence, elle était aujourd'hui l'épouse d'Héres Yaxley. Si elle avait eut plus de dix ans pour se faire à l'idée, ce nom sonnait toujours étrange à ses oreilles et le pas si récent rapprochement initié avec le brun ne l'avait pas aidé à cela. Ils avaient eut beau parler préparatifs pendant des mois, leur union secrète avait tout fait basculer, prenant une allure plus intime et moins protocolaire. Elle n'épousait pas le parti qu'on avait choisit pour elle, elle s'unissait à l'homme qu'elle aimait. Cela changeait tout. La main sur laquelle elle s'appuyait quitta la pierre froide pour venir se poser sur son estomac où se dessinait encore une fine cicatrice, vestige de l'accident qui l'avait forcé à quitter New-Phoenix pendant de nombreuses semaines. Elle avait été transportée loin de la capitale du Nouveau-Monde, dans une forme d'exil forcé pour "son bien" selon les dires de ceux qui avaient été ses plus proches parents, et n'avait du son salut qu'à la présence enjouée d'Olivia qui l'avait embarqué dans un séjour des plus stimulant pour sa propre personne. Grâce à elle, Virginia avait retrouvé la sorcière forte et dynamique qu'elle était, elle s'était découvert une confiance en elle dont elle n'imaginait l'étendue et qui lui avait permis de faire face à Héra Rookwood alors qu'elle se présentait désormais sous le nom de Yaxley au monde.

Elle ricana toute seule alors que la réaction présumée de sa meilleure amie résonnait à son oreille. Si Olivia avait toujours été considéré comme la seconde enfant de la famille - du moins autant que les Rookwood parvenaient à être avec elle - Virginia n'oubliait pas les très nombreuses séances de "diabolisation familiale" auxquelles la brune avait eut droit. La rousse n'avait jamais été fondamentalement rebelle: certes la nouvelle de ses fiançailles ne l'avait jamais réellement enchantée, mais elle avait toujours été plutôt calme. Pourtant, certaines fois, la jeune fille s'était laissée aller à quelques râlerie dans l'intimité de sa chambre, soutenue par son amie de toujours. Oui. Elle avait l'impression d'entendre le rire d'Olivia. Elle était persuadée que la brune aurait aimé voir la tête de la maitresse de maison Rookwood, d'ordinaire si froide et distante de tout ce qui pouvait s'approcher d'une émotion. C'était ce que Virginia détestait chez sa mère, lorsqu'elles étaient en publique. Combien de fois avait-elle regardé Héres et Lyra d'un regard envieux ? Les attentions de Mrs Yaxley envers ses fils l'avait toujours plongé dans une mélancolie profonde alors que sa propre mère gardait une main de fer sur son éducation, ses fréquentations, ses hobbies, comme gardant un contrôle éternel sur la vie de sa fille comme sur la sienne. Cette impression de n'être qu'une poupée avait contenté la jeune femme jusqu'à ce que sa relation avec Héres semble déranger les plans de sa génitrice. Sa vie avait des allures de petit théâtre et sa soudaine prise d'indépendance, ses sentiments naissants pour Héres et cette affection qu'il lui rendait ne faisait que remettre en question la loyauté qu'elle devait de droit et de sang à ceux sans qui elle n'aurait jamais vu le jour. Nul doute qu'Héra Rookwood devait, en cet instant, maudire le jour où elle avait offert son unique enfant à ce pacte avec les Yaxley ... Déchirée entre celui qui était son mari et ceux qui étaient sa famille, Virginia se sentait faiblir de nouveau: envers qui devait elle être fidèle ? Héra et Invictus, ceux qui l'avaient vu grandir, lui avaient offert tout ce dont elle avait besoin ? Ou Héres qui l'aimait et qui l'avait soutenu mieux que quiconque après la perte de leur enfant ? Perdue, Virginia laissa sa tête basculer en arrière, ouvrant les yeux pour offrir son regard aux milliers d'étoiles brillant dans le ciel. Sa gorge soudainement exposée se crispa alors qu'une légère brise chatouillait sa peau nue. Elle ne pourrait jamais trahir Héres. Mais pourrait-elle tourner le dos à son père ? A sa mère ? Pourquoi de telles confrontations au sein même du Nouveau-Monde ? Elle regretta alors de ne plus être l'enfant qui courrait après Olivia dans les jardins des Strauss, partant à la chasse aux papillons, se contentant de rire toute la journée pour être heureuses. Si seulement elle pouvait être là.

J'étais revenue, sur un coup de tête, une idée qui me passait par l'esprit subitement alors que j'étais en  Inde et profitait du soleil. J'avais subitement ressentie l'envie de retourner à la maison. Comme une inspiration d'un instant. En plein milieu d'un repas avec un ami, je m'étais levée, l'avais saluée et étais partie. Pour ceux qui me connaissaient ils savaient que cela faisait partie de mon charme. Je fonctionnais à l'intuition. J'avais fait mes bagages et j'étais partie, arrivant à New-Phoenix dans la nuit. Après m'être rendue chez moi, m'apercevant que mon père n'était pas là et que je n'avais pas la clé, que je n'allais très certainement pas m'inviter dans son dîner d'affaire, je m'étais décidée d'aller chez Virginia. Je n'avais pas vue la jeune femme depuis quelques semaines, je n'avais ni cherchée à avoir des nouvelles, ni n'en avait reçu. Mais, j'avais considéré qu'elle avait besoin de temps pour se réadapter et que si elle avait besoin de moi elle aurait fait tout son possible pour me contacter. Pourquoi rentrer maintenant? Pourquoi tout de suite? Je ne sais pas, j'avais ressentit le besoin de revoir les lumières de ma ville, de serrer mon père dans mes bras. Peut-être que l'approche de l'anniversaire de la mort de ma mère m'avait rendue nostalgique. Dans le taxi, je m'approchais de la Tour Yaxley. Allez savoir pourquoi, mais j'étais persuadée de la trouvée là-bas. Je la connaissais bien, elle devait être avec son fiancé. Il lui avait manqué, vraiment manqué même pendant notre petite escapade. J'avais même eut parfois l'impression qu'il voyageait avec nous. Apprendre à partager ma meilleure amie était quelque chose pour laquelle j'avais mis du temps à m'habituer. Mais, depuis que Virginia et Herès étaient ensemble, j'avais appris à savoir qu'il occupait beaucoup de ses pensées. Parfois j'étais jalouse, non pas de l'un ou de l'autre, mais par ce que j'aurais aimée trouver un amour aussi fort. Je sortit du taxi, inspirait l'air frais et sortie ma valise. J'avais hâte de la retrouver. Je rentrais en me précipitant à l'intérieur, me dépêchait de demander où je pouvais trouver une certaine rouquine du nom de Virginia et le temps d'avoir une réponse, l'ouragan Olivia avait déjà passé les possibles sécurité sans s'arrêter. Ils allaient très certainement me courir après mais, je m'en fichais. Je leur avais même gentiment laissé ma valise à l'entrée.  J’espérais seulement qu'ils n'allaient pas me la détruire ou faire des choses étranges avec. Déjà par ce que j'avais des cadeaux dedans et ensuite, par ce que je n'avais pas franchement envie qu'un parfait inconnu voie mes sous-vêtements. J'étais rentrée dans l'ascenseur, avait demander le dernier étage et attendais. En sortant, je me précipitais vers l'escalier et me calmais un peu. Lorsque j'arrivais en haut, un courant d'air frais m'attrapa la gorge et me fit frisonner. Il faisait beaucoup moins chaud qu'en Inde. J'aperçus sa crinière, habituée à la reconnaître de loin. J'avais trop l'habitude de jouer à cache cache avec elle. Nous avions été des enfants heureuses et joyeuses que le monde des adultes avait rudement et brusquement rattrapées. Moi, beaucoup moins qu'elle, mais la réalité était là. Nous avions 26 et 27 ans, peut-être était-il temps d'être des adultes. Je n'en avais pas particulièrement envie mais, qu'y pouvais-je. J'aurais du grandir plus tôt. Je m'approchais de sa silhouette, dangereusement installée après le garde-fou. Cela lui ressemblait quelque part. Cette envie du danger. Je m'approchais doucement, assez prêt pour la retenir si jamais elle était surprise.

-"Alors, tu t'es décidé à faire le grand saut ma belle? Devrions nous le faire ensemble? T'accompagner de me gênerais pas, tu le sais bien!"

J'avais enjambée la barrière à mon tour, m'installant de manière assez similaire à la sienne. Je comprenais le confort de cette situation, cette agréable sensation de vide dans les jambes. Cela avait  quelque chose de relaxant. L'un de mes bracelets où étaient accrochés des tas de clochettes teinta agréablement, balancées par le vent. Dans la poche de ma grosse veste, j'avais l'un des cadeaux que je lui avais ramener mais, je me doutais bien que se n'était pas le moment de lui donner. Quelque chose lui trottait dans la tête, je sentais qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. J'eus un long soupir, mon regard appréciant la vue, profitant d'un superbe moment de partage entre ma ville de naissance et moi avant de dévier sur la demoiselle Rockwood. Allait-elle vraiment bien? Aurais-je due la convaincre de rester avec moi un peu plus longtemps au lieu de la laisser partir?  Cela m’inquiétais vraiment. Un petit pincement au cœur vint me saisir et finalement je me lançais dans le cœur de la discussion.

-"Alors, qu'est ce que tu dois raconter à  Tata  Olivia! Je suis là maintenant! Tu peux maudire sur qui tu veux, insulter qui tu le sens, mes lèvres resteront scellées jusqu'à la tombe!"

Je lui offris mon plus beau sourire, celui que je mettais sur mes lèvres quand je sentais que l'on avait besoin d'un coup de pouce. Et là, je voyais bien que son visage n'avait pas la même luminosité et la même joie que d'habitude. Il était de ma mission ce soir d'être là pour elle. J'avais une épaule à offrir, une oreille à tendre et des conseils à donner. Je savais qu'elle avait du mal, que sa vie était compliquée et si je pouvais lui faciliter les choses, je le ferais bien volontiers.