Quand on était soldat, la veille d’une bataille, on n’avait toujours quelques petits rituels. Des habitudes que l’on prenait pour tuer le stress et la peur de mourir. Certain allait simplement boire une bière dans un bar et discutait avec le barman en attendant que l’heure passe. D’autre préférait passer cette dernière journée avec leur famille. Il prenait un repas avec leur épouse et leurs gosses en évitant de parler du lendemain.

Pour Septimus, la veille d’une mission, il préférait se recueillir dans la petite chapelle du bastion non lieu du jardin où reposait la première Grande Inquisitrice. Le lieu de culte était presque toujours désert en dehors des quelques rares cérémonies données tour à tour par les prêtres catholiques et les pasteurs.

Le silence était uniquement perturbé par le ronronnement du générateur d’anti-magie au contre du bastion. Le lieutenant ne l’entendait plus depuis de nombreuses années mais il ressentait encore ce vide étrange dans ses oreilles quand il quittait ces murs.

Assis au deuxième rang près de l’autel, les mains jointes et la tête légèrement baissée, Septimus était entièrement tourné vers sa prière. il demandait au Seigneur de lui donner la force d’accomplir une nouvelle fois sa mission, de guider ses mains dans la bataille et d’accorder sa protection aux hommes et aux femmes qui combattront demain à ses côtés. Il priait Dieu que si sa volonté était de le rappeler à lui le lendemain, qu’il puisse lui accorder une mort rapide et sans souffrance. Septums avait vu trop d’hommes hurlaient de douleur et gémir avec de rendre l’âme pour vouloir être de ceux ci.

Alors qu’il était tourné entièrement vers sa prière, le lieutenant entendit au loin des bruits de pas résonnaient dans la chapelle. Septimus les reconnut et leva la tête vers la crucifix du haut duquel le christ lui lançait un regard plein de compassion.

Septimus s’était attendu à cette conversation. Il avait posé qu’elle serait venu beaucoup plus tôt…

Septimus attendit patiemment que Calvin amorça la conversation. Le garde du corps ne tourna pas autour du pot comme il ne s'embarrassa d'aucune formule de salutation la première phrase de Calvin n'étant pas une question, le lieutenant ne prit donc pas la peine de répliquer. Il avait toujours détesté affirmer les évidences comme on enfonce une porte ouverte.

L'ancien élève de Calvin lui demanda ce qu'il était en train de se passer et Septimus comprit que Camila avait tenu sa promesse de ne pas se mêler des affaires concernants le Leader du Nouveau Monde. Du moins, le temps que son second ne règle la question à sa manière.

Le cracmol resta silencieux une bonne minute, obligeant Calvin à patienter. Septimus n'avait aucune intention de répondre aux interrogations de son ancien élève. Cette affaire ne le regardait pas, fut il l'amant en plus du gardien de la Grande Inquisitrice. Au lieu de cela, Septimus décida de mettre un autre sujet sur le tapis.

_ Je me souviens de la dernière fois qu'un de mes officiers a délibérément ignorer mes ordres pour m'en faire qu'à sa tête. Je l'ai traîné au milieu de la cour de la caserne devant l'ensemble de son unité en l'empoignant par les cheveu. Puis j'ai sorti mon arme à feu et je lui ai mis une balle perforante dans la tête.

Septimus parlait calmement de cet épisode. Cela remontait à plusieurs années. Calvin n'avait pas encore été recruté pour la protection de Camila mais il comptait déjà parmi les éléments les plus prometteuses.

_ S'il avait fait ce qu'on attend d'un soldat, il serait peut être encore en vie auprès de sa famille, tout comme les soixante quatorze civils que sa désobéissante a condamné...

Le lieutenant ne regrettait pas son action. Il déplorait seulement que l'homme qu'il avait abattu se soit cru plus fort et important que la foi et la volonté que Septimus mettait dans leur cause. L'officier avait donc servi d'exemple et ses semblables depuis cet épisode filaient droits. Les nouveaux venus entendaient parler de cette histoire dès leur arrivée et comprenait que Septimus Hopkins n'était pas un homme avec qui l'on pouvait négocier.

_ Je t'aime bien Calvin et je n'ai pas envie de t'exécuter mais je n'hésiterai pas à le faire si tes rapports avec Camila l'expose davantage aux dangers.

Septimus enchaîna avant que son ancien élève n'ait le droit d'ouvrir la bouche pour se défendre.

_ Tu n'ai pas là pour prendre du bon temps mais les balles à la place de la Grande Inquisitrice. Si Camila avait été comme sa mère, votre relation ne m'aurait nullement ennuyé mais avoue que tu sais comme moi qu'il n'en est rien.

Calvin avait connu Cécilia dans toute sa splendeur. Elle tenait l'inquisition d'un main de fer dans un gant de fer ! Et malgré la relation intime qu'elle entretenait avec son lieutenant, la cause avait toujours passé avant les sentiments qu'elle avait pour lui.

Les propos de Calvin agaçaient profondément Septimus. Le lieutenant ne remettait pas en doute les sentiments de son ancien élève pour la jeune femme. Il se doutait cependant que si Calvin lui avait dit qu’il aimait Camila, il était fort possible qu’il soit incapable de le dire à la première intéressée… Les hommes étaient plus complexes que les femmes sur certains points…

_ Mais nom de dieu (Septimus lança un regard d’excuse vers le christ devant eux avant de revenir sur Calvin) l’amour te rend idiot au point d’engluer ton jugement.

Le cracmol s’efforçait de ne pas élever la voix. Il était rare qu’il se mette à crier pour quoique se soit mais il aurait cru que Hasting aurait eu suffisamment de jugeote et de sagesse pour comprendre.

_ Il ne s’agit pas de toi ! Jamais ! Bien sûr que tu mourras pour elle. Mais elle ? Acceptera-t-elle que tu te sacrifie pour sa survie ? Et même si vous en avez discuté… et qu’elle le conçois. Si elle est effectivement prête à t’envoyer en enfer plutôt que de prendre le risque de perdre une bataille. Seras-t-elle encore la femme que tu aimes ? Peut-être même la mère de tes enfants ?

Septimus n’était pas dupe. Envoyer Calvin au front et accepter le risque de le perdre allait profondément changé la perception de Camila devant le monde. Le lieutenant était bien placé pour le savoir, lui l’ancien amant et bras droit de la première Grande Inquisitrice.

_ Tu sais… Quand je dis que Camila n’est pas Cécilia. Je ne prétends pas le regretter. Ce que je veux dire c’est que : Camila ne doit pas devenir comme sa mère… pas entièrement… pas comme ça… pas en envoyant l’homme qu’elle aime se faire tuer pour servir une cause… C’est pout cela que je lui ai dit de ne jamais s’attacher à un soldat. « Tout mais pas un soldat… » Je pensais qu’elle aurait compris… J’aurais pu être plus clair.

Septimus repensa aux propos de Calvin. Comment le lieutenant pouvait-il oser parler de Cécilia ? Il secoua la tête avec un sourire sans joie accroché aux lèvres.

_ Tu ne sais rien Calvin. Tu n’as pas la moindre petite idée ce qu’il y avait entre Cécilia et moi… Comment peux tu me juger sur quelques mots capturés en traitre par un sorcier ? Comment oses tu me discuter le droit de la mentionner ? Si nous n’étions pas dans une église, je t’insulterais copieusement…

Septimus tourna la tête pour fixer Calvin dans les yeux.

_ Tu crois que j’aurais mis un incapable à la protection d’une personne que j’aime comme si elle était ma fille ? Si j’avais eu le moindre doute sur toi, tu n’aurais jamais approché Camila.

Le lieutenant était sincère. Il avait choisi Calvin que les centaines d’officiers à sa disposition. Il l’avait formé, conditionné pour ce rôle. Hasting était l’un des meilleurs éléments qui était passé entre les mains du cracmol et le mentor était fier, vraiment très fier de l’homme que Calvin était devenu.

_ Tu es un bon soldat. Et malgré cet écart, tu demeures un bon soldat. Mais oui tu es un idiot ! Un idiot de penser que l’amour que tu portes pour Camila résout et excuse tout… L’amour peut tuer… l’amour tue des gens tous les jours…

Comme la première fois, Septimus choisit de ne pas répondre à la derrière question de Calvin. Camila et Calvin partageaient trop de choses désormais. Le lieutenant ne pouvait pas prendre le risque que Hasting ne laisse échapper quoique se soit et mette involontairement la santé de Camila en danger.

_ Je n’ai rien à te dire Calvin. C’est entre Camila et moi…

Calvin avoua ne rien comprendre à ce que le lieutenant pouvait lui raconter. Tout comme Camila, le garde corps amouraché ne semblait pas prendre toutes les mesures de cette relation qui voulait entretenir avec la Grande Inquisitrice. Septimus leva les yeux au ciel comme s'il voulait prendre le tout puissant à témoin avant de revenir sur son ancien élève.

_ Ce que j'essaie de te dire Calvin. C'est que la relation que tu entretiendras avec Camila ne sera jamais complètement saine. Elle est la Grande Inquisitrice et tu es un soldat, un officier. Tu ne seras jamais son égal hiérarchique. Tu seras à la fois l'homme qu'elle aime et celui à qui elle doit ordonner. Il sera très difficile pour elle de trouver un équilibre... Je suis bien placé pour le savoir...

Septimus avait vécu cette même histoire avec Cécilia. Il avait été son second et en même temps son amant. Ils étaient parvenus à trouver un équilibre, le cracmol ayant appris à s'effacer pour laisser toute autorité dans leur couple et dans leur travail à sa compagne. Il lui était entièrement dévoué. Il avait combattu pour elle, souffert l'enfer et tué, sans jamais se plaindre, sans jamais se poser de questions. Alors quand Cécilia lui avait dit qu'elle ne voulait plus lutter pour leur cause, cela l'avait rendu fou...

_ J'ai vu l'enregistrement... Cette femme qui tremblait devant Saevus Yaxley en parlant de moi, n'avait rien à jamais avec la Cécilia que j'ai connu... Je ne dis pas qu'il est faux... C'est juste. Ma Cécilia ne tremblait pas.

Septimus ferma les yeux un instant pour regrouper ses pensées. Comment parvenir à faire comprendre à Calvin ce qu'il avait entre Cecilia et lui.

_ J'ai choisi d'être son bras doit avant son amant. J'ai accepté que notre histoire devait passé après notre cause. J'ai accepté le fait que Cecilia puisse m'envoyer à la mort. Et si nous avons tenu durant si longtemps c'est parce que Cécilia l'avait accepté elle aussi.

Le cracmol prit une pause. Il était rare qu'il parlait ouvertement de sa relation avec Cécilia, surtout à un ancien de ses élèves. Mais Calvin devait comprendre où il mettait les pieds.

_ Toi et Camila devait comprendre quelle importance prendra cette relation dans vos vies. Je sais que tu es prêt à te battre et tuer pour elle. Je sais que tu préfèreras mourir plutôt que te laisser capturer et devenir un moyen de pression. Mais Camila, elle, n'est pas prête pour ca. Elle ne le sera peut être jamais Calvin. Elle a déjà perdu l'un de ses plus proches amis et le vit encore difficilement. Alors si elle doit te sacrifier toi ? (Septimus secoua la tête) Si tu tiens vraiment à elle, alors il te faudra peut être renoncer...

Septimus savait qu'il se montrait dur avec Calvin. Après tout, il avait aussi le droit au bonheur, tout comme Camila. Mais après avoir vécu une relation similaire avec Cécilia, il se devait de mettre en garde son officier. L'amour et le désir ne tenait qu'une toute petite place dans leur histoire considéré à la cause, le sens du sacrifice, la dévotion et l'abnégation.

Calvin accepta finalement le fait de ne pas être mis au courant de la mission. Il avait compris qu'il ne s'agit pas d'une punition mais plutôt qu'un moyen efficace de protéger Camila.

-Qu'est ce que je peux faire pour vous aider ?

_ Reste auprès de Camila. Ne la lâche pas d'une semelle. Il y aura bientôt une très grande agitation au bastion et j'aurais besoin de toi pour assurer notre sécurité. J'ai donné des instructions pour renforcer les effectifs autour du pénitencier... Si tout se passe bien, nous allons bientôt recevoir de la visite demain....

Le visage de Septimus se déforma en une moue dubitative quand Calvin lui annonça qu'il souhaitait renoncer à son statut de soldat pour se consacrer uniquement à son poste de garde de corps de Camila. Le lieutenant ne savait pas trop quoi en penser. Son élève était-il vraiment près à renoncer aux occasions de se battre pour ses convictions, laisser les autres le faire à sa place. Le lieutenant ne pouvait pas s'empêcher de trouver cela à la fois égoïste et altruiste.

Egoïste car ses autres frères d'armes ne pouvaient pas profiter d'une aventure avec la Grande Inquisitrice pour se défaire de certaines obligations et altruiste dans le sens ou cela réglait une partie des problèmes que Septimus avait évoqué sans toutefois les faire disparaître complètement.

Calvin continua en disant qu'il pourrait toujours accomplir les missions que Septimus pourrait lui confier et qui ne serait pas du ressort de Camila.

« Mh... Tu as conscience que je ne suis pas immortel Calvin ? »

Même si cela pouvait être une solution pour le moment. Elle ne pourrait être que provisoire. En plus de risquer sa peau des dizaines de fois par an pour l'Inquisition, le lieutenant n'était plus tout jeune.  

« Ce ne pourra être qu'une solution provisoire. Qui plus est... j'ai beaucoup de peine à t'imaginer laissant tes camarades se battre à ta place ... »

Septimus ne le pourrait pas personnellement. C'était peut être ce qu'il le différenciait de Calvin au final.

« Enfin si tu es convaincu que c'est la meilleure des solutions... »

De toute manière, Septimus savait qu'il ne pourrait pas aller contre cette relation même si il demeurait toujours un peu inquiet. Après tout, ces deux « jeunes gens » n'étaient pas reconnu pour leur engagement en matière d'amour. Il avait déjà vu Calvin avec plusieurs femmes différentes souvent abordées dans les bars lors de permission. Et Camila. Mon dieu, il ne voulait pas penser à cela! Sa petite protégée avait toujours cru qu'il était aveugle et qu'il n'avait pas connaissance de la... multitude de ses fréquentations. Bien sûr, il n'avait pas obtenu la liste complète et ne cherchait pas à l'avoir... non vraiment il n'en avait pas besoin.

« Cependant... si jamais tu joues avec elle et ses sentiments pour toi... L'enfer ne suffira pas à te cacher.. »  dit Septimus avec le plus grand sérieux. Il n'avait pas envie de ramasser Camila à la petite cuillère dans quelques mois parce que Calvin ne serait lassé de la vie de couple.

Son ancien élève lui parla de son envie de former un nouveau garde du corps. Il trouvait l'idée intéressante.

« C'est une bonne idée... Je te laisse le soin de le former mais je tiens à le mettre à l'épreuve... »

-Que veux-tu dire par là ? Qu'est ce que tu penses qu'il se passera quand tu ne seras plus là?

Septimus soupira légèrement. Voilà ils arrivaient au cœur du problème. A cette situation qui fragilisait terriblement les inquisiteurs. Jusqu'à présent, le lieutenant avait toujours oeuvrer pour que cette faille n'apparaisse jamais aux yeux de leurs ennemis. Il s'est toujours tenu en retrait donnant l'impression de ne faire partie que de l'intendance. Mais les faits étaient là. Il n'y avait personne pour le remplacer et épauler efficacement la Grande Inquisitrice quand il ne serait plus de ce monde. Il connaissait les plans, toutes les secrets de leur organisation. Il les avait partagé avec Camila après la mort de sa mère. C'était son devoir.

- N'est ce pas évident Calvin ? Camila et toi, vous vous reposez beaucoup sur moi pour gérer toutes les crises. La maintenant, tu ne veux pas prendre le risque de mettre ta chérie en mauvaise posture alors que me demande d'être celui qui t'enverra au feu. Je ne dis pas que c'est une trop mauvaise chose parce que j'adore mon poste. C'est ma raison de me lever le matin. Mais j'aimerais avoir la certitude que tout ne s'écroulera pas quand je serais parti. Tu ne peux pas prendre simplement Camila pour compagne et laissait tomber tout le reste ! J'ai horreur de me répéter mais : Si vous vouliez une jolie petite histoire sans problème, il fallait vous choisir des compagnons hors de l'armée ou des décisionnaires ! Cela peut finir mal. J'ai même envie de dire que cela finit presque toujours mal.

Septimus pensa à Natalia qui devait être actuellement en train de briefer son escouade pour la mission de demain. Tous les deux étaient des soldats et avaient parfaitement conscience des risques. Le lieutenant aimerait dire qu'il avait toujours su maintenir un certain détachement avec le sergent instructeur mais ce recul était complètement artificiel. Perdre sa compagne actuelle déchirerait Septimus. Le pire est qu'il devrait porter le deuil en silence et restait de marbre. Il n'y avait rien de plus cruel que de survivre aux personnes que l'on aimait.

- J'ai besoin d'un remplaçant et si tu choisis aujourd'hui d'être auprès de Camila, ma tâche deviendra un jour la tienne. Et il n'y aura plus jamais de renoncement possible... Tu es prêt pour cela ? Ne réponds pas tout de suite. Nous en reparlerons après la mission...

Le garde du corps demanda à Septimus s'il y avait une date limite pour effectuer la formation du nouveau garde de corps.

_ Pas spécialement. Prends le temps qu'il te faudra et teste plusieurs candidats. Il m'en a fallut huit comme toi avant de trouver le bon.

Septimus consulta la montre accrochée à son poignet et annonça qu'il devait partir. Il attendit que Calvin lui céda le passage pour sortir de la rangée et commençait à redescendre l'allée principale faisant dos à l'autel de la petit chapelle. A mi-chemin, il tourna les talon et lança :
_ Ah et si jamais vos galipettes se révèlent féconds et que tu te dérobes à des obligations, je te tue... deux fois...

Septimus appuya sa remarque d'un regard insistant avant de tourner les talons et se diriger vers la sortie de l'église. Il avait encore beaucoup de détails à régler avant leur mission.