La porte se referma violement: Priscus F. Yaxley était dans une rage sans précèdent. Tous ceux qui le connaissaient pouvaient avouer qu’il était plutôt du genre impulsif mais une impulsivité pour le moins réfléchie. Seulement, aujourd’hui, il n’arrivait pas à être réfléchi. Rien que de se remémorer le fiasco total de la soirée de clôture de la conférence de paix, Priscus avait envie de détruire des choses. N’importe quoi ! Tous ceux qui pourraient lui tomber sous la main, et de n’importe quelle manière (magiquement ou non, cela importait peu). Cette rage semblait douée de sa propre raison et elle était incontrôlable. Dire qu’il était venu à la conférence dans l’idée de soutirer à son père la réponse tant attendu à sa question la plus chère, depuis qu’il avait douze ans. Malheureusement pour lui, il avait plutôt acquis des informations qui n’étaient pas aussi réjouissante que l’identité de sa mère.

Son père… Comment avait-il pu mentir sur tant de choses et depuis si longtemps ? Priscus n’avait pas toujours eu de bonnes relations avec son père et c’était peu dire. Il n’en avait pas non plus avec son demi-frère mais ça ne lui donnait pas envie de l’étrangler s’il avait le malheur de voir son visage. Malgré leurs différences, il lui avait toujours témoigné le respect que l’on donne à un père. Il avait la consolation de penser que la bienveillance dans la famille Yaxley avait peut-être sauté une génération et que son père était seulement le produit raté d’une enfance bouleversante. Tu parles… C’était surtout le digne fils d’un meurtrier mégalomaniaque, suffisamment malin pour tirer profit de son crime et retourner ses as afin d’en faire une action digne d’un saint. Dire que son père lui avait fait croire que son nom avait la moindre signification. Pire encore il portait quasiment le même patronyme que son grand-père. La famille Yaxley n’avait plus de quoi se vanter (voilà bien une chose à laquelle Héres évitait… Au moins son nom n’évoquerait pas à toute personne résidant aux Etats-Unis, les agissements d’un arriviste fou).

Quels autres secrets son père avait-il bien pu lui cacher ? Le jeune homme se sentait particulièrement floué. Bien sûr, s’il avait pris le temps de réfléchir un peu, il ne devait pas être le seul. Mais quand les fondements de votre existence sont à ce point secouer, est-ce que vous prendriez le temps de vous préoccuper du reste du monde ? En tout cas, lui, il ne le pouvait pas. Priscus faisait les cent pas dans le salon principal de la demeure familiale. Là où ses pensées le menait, ce n’avait en rien réjouissant. Il avait de plus en plus de sombres ruminations. Et si… ? Mais Priscus n’eut pas le temps de mettre des mots sur la pire supposition qui lui avait traversé l’esprit qu’il entendit la porte s’ouvrir à nouveau.

Saevus sortait à peine de la cabine de douche. Il avait passé presque deux heures sous l’eau brûlante qui ne parvenait pas à réduire complètement les douleurs qu’il ressentait dans les épaules. Ses muscles étaient tellement contractés que la hache d’un bûcheron ne les aurait pas entamées.

Le leader attrapa une serviette et se frictionna longuement. La sonnerie de l’interphone retentit et Saevus prit la communication.

_Monsieur, vous avez demandé à être mis en courant quand votre fils, Priscus, serait de retour, dit la secrétaire de Saevus.

_Oui...

_ Il est entré il y a une vingtaine de minutes.

_Très bien. Merci Judith.»

La communication se coupa et Saevus termina de s’essuyer et se rendit, nu, dans le dressing pour choisir ses vêtements. Pour le première fois depuis qu’il avait pris la direction de l’Empire de son père, il n’avait aucun rendez vous ce jour-là. Il opta donc pour un jeans clair et un t-shirt sombre à manches longues. Il portait rarement ce genre de tenue et uniquement durant les moments de «détente».

Il enfila des baskets et quitta ses quartiers privés pour rejoindre leurs appartements communs. La demeure des Yaxley à l’intérieur de la tour était tellement étendue qu’on pouvait passé plusieurs jours sans jamais croiser les autres locataires.

Saevus prit trois couloirs et un ascenseur avant de parvenir à destination. Il ouvrit la porte et découvrit aussitôt son fils cadet arpenter la pièce de long en large comme un fauve. Priscus se stoppa pour le regarder. Saevus échangea un regard avec son fils et comprit que la conversation serait aussi pénible qu’il l’avait redouté. Le leader ferma la porte et s’avança dans le salon pour se diriger vers le bar toujours richement approvisionné.

_ Avant de commencer les hostilités, je te sers un verre ?

Il tira deux verres et attrapa la bouteille de son meilleur whisky. Il les remplit et en prit un pour lui avant de se diriger vers son fauteuil préféré. Quitte à subir à nouveau les déclarations de haine de membres de famille autant que ce soit confortablement assis avec un verre d’alcool de qualité.

_ Je t’écoute Priscus, invita Saevus avec un détachement remarquablement feint. Aidé par l’alcool, il tâcha d’ignorer l’ulcère qui menaçait de lui déchirer les entrailles avant la fin de la journée.

Lorsqu’il avait entendu le bruit de la porte Priscus avait fait volte-face. Evidemment c’était la personne qu’il avait le moins envie de voir aujourd’hui qui se présentait à la porte. Il n’avait même pas encore réussit à digérer tout ce qu’il avait vu et sa rage ne faisait que grandir à la voir là dans l’entrée de la porte. Il avait peur d’ouvrir la bouche parce qu’il s’avait très bien que ça ne serait pas pour lui dire quelques civilités. En fait la plupart des mots qu’il voulait dire se rapprochait davantage de l’insolence que de la civilité. Ce n’était pas comme s’il n’était pas habitué se disputer avec son père mais l’objet de leurs escarmouches n’avaient jamais été aussi grave. Certes, il lui en voulait de ne lui jamais avoir enfin avoué ce qu’il cherchait depuis des années à savoir mais ce n’était pas si grave.  Ce qui s’était passé là, était bien différent : d’un tout autre niveau.

De toute évidence, son père avait du comprendre à le voir dans la pièce, que ça n’allait pas être une conversation facile qui allait se déroulé présentement. Ce dernier ferma la porte. Oui, il valait mieux la fermer. Qui sait quelles autres horreurs, il allait découvrir.  Mais les pensées sombres qui l’avaient assaillit lui faisait prendre conscience qu’il y a toujours pire. Son père avança vers le bar et fut le premier à ouvrir la bouche. Priscus serra les poings si forts qu’il pouvait presque sentir les ongles rentrer dans la chair. Il hocha la tête à la question de son père. Il comptait sur l’alcool pour le calmer et être capable d’affronter son père. Il prit le verre et hésita à se l’envoyer cul-sec mais c’était la réaction d’un gamin trahi. Tout au fond de lui, Priscus était plus que déçu. Le peu de confiance qu’il avait en son père disparaissait. Un père n’était-il pas tout  pour un fils ? Les paroles de son père ne l’aidaient pas à garder la tête froide.

« Tu m’écoutes ?! TU M’ECOUTES ?! » La colère avait repris ses droits malgré tout. «Tu plaisantes, j’espère. Après tout ce qui est arrivé, c’est tout ce qui te vient à l’esprit. Pourquoi tu ne feras pas quelques excuses comme n’importe quel humain normal ! »

Et le revoilà tourner en rond comme un lion en cage avec le verre à la main qu’il serait si fort qu’un autre mouvement fort briserait entre ses doigts.

« Passe encore que tu sois plus que lamentable en tant que père mais tu es apparemment » Il but aussi décevant en tant que porteur d’un espoir. »  Il but une nouvelle rasade de son verre avant de se tourner vers son père à nouveau. « Est-ce que c’était tout ce qu’il y avait à savoir ou doit-on encore s’attendre à d’autres choses ? Qu’est-ce que tu caches de plus. Et ne me mens pas. PAS ENCORE ! »

Il avait appuyé son dernier cri de frustration en tapant du poing sur la table. Autant pour le fait de rester calme.

L'alcool avait presque un goût de vinaigre dans la bouche de Saevus Yaxley alors que Priscus vomissait des paroles tout aussi acide en arpentant la pièce comme un griffondor en cage. Le cadet avait suivi Lyra et Héres dans la compétitions des reproches les plus cinglantes et imagés. Saevus avait écouté chacun d'entre eux avec une certaine patience. Il les entendait le qualifier d'époux, de père et d'homme indigne et mauvais. Il les laissait le démolir avec la force d'un hippogriffe mal luné.

_ Je n'ai pas de compte à te rendre, Priscus, lança le patriarche d'une voix calme. Et si j'ai encore des secrets, dis toi que c'est dans ton intérêt de les ignorer...

Saevus but une gorgée de Whisky avant de continuer. Son regard s'attrista légèrement alors que les mots sortaient de sa bouche.

_ Priscus.... Quand vas-tu comprendre que je ne suis pas ton ennemi ?

Il n'attendait pas vraiment de réponses de son fils et continua sur sa lancée.

_ Tu as la vie facile, tu sais ? Tu vas et tu viens comme bon de semble. Tu n'as rien sur tes épaules et personne n'attends quoique se soit de sa part. (Saevus faisait tourner le reste du lipide ambré au fond de son verre) Cette vie dont tu aimes te plaindre aurait du être la mienne. Mais mon frère aîné a été tué et j'ai du prendre la suite... J'avais un an de moins que toi quand ton grand père m'a révélé comment Romulus et lui avaient « sauvé la Californie ». Le pays tout entier louait ses bienfaiteurs et qu'est ce que j'aurais du faire d'après toi ? Arpenter les rues en hurlant la vérité au peuple ? Envoyer mon père en prison ? Balayer toute chance de voir un jour les moldus et les sorciers travailler ensemble ? Si j'avais fait une chose pareille : tu ne serais pas là à me cracher des reproches.

Oui je vous ai caché la vérité sur votre grand père et je ne regrette rien. Je voulais vous épargner un tel héritage à ton frère et à toi... Je n'ai aucun excuse à te faire. J'ai uniquement le remord de ne pas avoir détruit les documents en ma possession et zigouillé Victor quand j'en ai eu l’occasion.

Saevus termina son verre d'une traite et le posa sur la table basse à quelques pas de lui.

Il était évident que son père n’allait pas le laisser lui faire des reproches sans rien dire. Ce n’est pas comme si il n’avait jamais vécu des disputes entre eux. Chaque fois qu’il rentrait à la maison, il se disputait pour un rien. Principalement sur le fait qu’il était irresponsable. Seulement, ce n’était pas une dispute comme les autres. Priscus avait perdu son calme et ce n’est jamais une bonne chose au milieu d’une conversation. Il commençait vraiment à regretter de ne pas avoir cassé quelque chose pour se détendre. L’alcool ne l’aidait pas vraiment non plus. Il but une rasade de plus pour essayer de faire passer le goût amer dans sa bouche. Il manqua de s’étouffer avec le liquide quand son père lui répondit froidement qu’il n’avait pas à se justifier et que parfois les secrets doivent parfois rester cacher. Ce qui ne manqua pas d’effrayer davantage le jeune homme. Son père but à son tour et le regarda avec un air peiné tout en s’interrogeant sur la raison pour laquelle Priscus le considérait comme un ennemi. Ce à quoi il ne put se taire :

« Tu n’es peut-être pas mon ennemi, mais tu n’es pas mon ami non plus. Pas même un véritable père… »

Les mots auraient dû sortir avec colère mais il avait le goût de l’amertume. Le regret se faisait largement sentir. Priscus relâcha ses poings, la marque de ses ongles durement imprimé sur sa peau. Mais son père n’avait pas attendu qu’il réponde pour reprendre leur vieille querelle sur son comportement. La différence c’est qu’elle se tourna très vite sur l’enfance de son père et le poids même qu’il avait dû porter. Il expliquait comment lui-même avait vécu cette vie et la manière dont il avait décidé de la mener. Priscus aurait dû ressentir du remord mais il était bien trop en colère pour pouvoir faire ça. Peut-être que les choses auraient été différentes si son père n’utilisait pas les secrets et la vérité par omission.

« Et tu penses que détruire les documents et se débarrasser de Victor auraient changé quoi que ce soit ?! La vérité vaut mieux que le mensonge ; elle finit toujours par sortir. Comment fais-tu pour vivre avec tous ces mensonges en permanence ? Qu’est-ce que Lyra en pense ? Et Héres ? Je doute d’être le seul de la famille à te faire des reproches… »

Il avait dit tout cela d’une traite et dû s’arrêter pour respirer. Il finit son verre et posa avec force le verre sur le bar. Il fixa son père et il espérait que la colère se reflétait sur son visage. Malheureusement il se sentait plus trahi, abattu et triste.

« Quand tu trahie la confiance de personnes c’est plus difficile de la gagner à nouveau. Tu étais innocent mais maintenant tu apparais aux yeux des gens comme un complice… et tous ceux de cette famille finissent par paraitre suspects aussi. J’en viens à me demander si le fait que tu me caches le nom de ma véritable mère ne veut pas dire autre chose… »

Et la colère flamba à nouveau dans ses yeux.

«Tu n’es peut-être pas mon ennemi, mais tu n’es pas mon ami non plus. Pas même un véritable père…»

Sale petit ingrat, pensa le père mais il ne formula pas cette pensée à voix haute. Cela n’aurait que trop satisfait l’Ego déjà enflé de son fils. Que savait vraiment Priscus de la paternité ?

_Que le Ciel t’envoie quels gamins, Priscus et tu pourras me faire la leçon, ironisa Saevus.
Priscus lui fit une litanie sur l’importance de la vérité et Saevus se retint de lever les yeux vers le ciel.

_ Tout le monde vit dans le mensonge. Tout le monde se raconte des histoires. Le peuple est comme une femme enceinte. Tu ne peux pas te permettre de lui dire qu’elle grossit sans risquer ta peau. Et je n’ai pas à parler de mes entretiens avec ton frère et Lyra. Tu iras leur demander. Cela te fera un sujet de conversation.

Pour Saevus le sujet était clos. Il n’avait pas à se justifier devant son cadet. De toute façon, il n’aurait sûrement pas gain de cause. Depuis qu’il avait douze ans, Priscus avait décidé que son père était en tord. Quoiqu’il dise ou qu’il fasse, Saevus demeurait un père horrible aux yeux de Priscus. Si bien que le patriarche Yaxley avait presque regretter de ne pas avoir envoyé son fils dans la demeure de sa famille maternelle du vivant de Charles Hopkins. Priscus en serait sûrement revenu avec d’autres disposition à son égard.

Priscus entra dans un tout autre sujet. Celui qui l’avait sûrement convaincu de revenir à New Phoenix.

_ Ah oui. Ta mère. Tu as rempli ta part du contrat et tu as le droit de savoir qui elle est. Si tu pouvais t’asseoir et la boucler, je me ferais une joie de t’en parler.

Saevus attendit que Priscus s’exécuta. Il joignit ses mains et entrecroisa ses doigts avant de prendre une profonde inspiration. Il allait enfin dire la vérité à son fils. Il ne pouvait s’empêcher d’appréhender légèrement ce moment. Une fois qu’il aurait le nom de sa mère, Priscus n’aurait plus aucune raison à rendre visite à Saevus. Le fils avait balayé tout autre intérêt pour son géniteur...

_ Ta mère s’appelle.... Régina Andropova. Je sais ce que tu crois, mais ne t’inquiète pas. Elle est toujours en vie. Elle se tient à l’écart depuis le meurtre de son père, Charles Hopkins. Tu as une grande soeur Ilaria, qui vit avec ta mère et son époux Jarolav.

Saevus marqua une pause le temps que Priscus intègre bien chaque des informations qu’il venait de lui donner. C’était un assez gros morceau à avaler.

_ Crois le ou non. Tu n’es pas le fruit d’une quelconque conspiration. Régina et moi nous nous fréquentons depuis plus de vingt ans. Et même si c’est fleur bleue : tu es le fruit d’un amour sincère. Mais quand tu es né, ta mère était marié au Roi Vampire. Il avait accepté ta soeur parce qu’elle avait été conçu avant leurs noces. Nous n’étions pas sûrs qu’il accepte la venue d’un autre enfant qui aurait révélé à face du monde qu’il était cocu. Les vampires sont assez fiers à ce niveau. Il était donc préférable que je t’emmène avec moi et que je t’élève jusqu’à ce que tu sois assez grand pour comprendre. Régina et moi pensions profiter de la convention pour vous présenter ta soeur et toi mais il y a l'assassinat de Charles Hopkins et tout est tombé à l'eau...

Priscus aurait dû savoir qu’il n’aurait jamais gain de cause avec son père. Ce n’était pas comme si ce dernier n’avait pas élevé l’art de la rhétorique à son paroxysme. On ne devenait pas leader d’une partie d’une nation en étant un mauvais orateur, et sans avoir les armes pour contrer les gens que vous n’arrivez pas à convaincre par votre charisme. Et même si le jeune homme commençait à avoir de la pratique en la matière, il n’arrivait pas encore à la cheville de son père. Mais il s’en fichait complétement. A cet instant il n’était qu’un gamin en colère qui est déçu par son père. Sûr ! Il ne savait pas ce que c’était que d’être père et donc n’était peut-être pas le meilleur juge en la matière mais il était ce gamin qui veut que son père soit l’étoile de sa vie et qui n’a pas vraiment ce à quoi il s’attend. Ce gamin de douze ans qui voyait son père comme un véritable héros. Dommage que ce gamin se prenait à chaque fois une claque devant les agissements du héros qui avait plus du vilain de l’histoire que du sauveur. Cette fois n’allait pas échapper à la coutume (pourquoi changer les bonnes habitudes).  

Il avait l’impression que l’histoire se répétait sans cesse. Après 7 ans d’attentes à chercher de son propre côté et harceler son père à ce propos chaque fois qu’il mettait un pied dans la demeure, il allait enfin avoir la réponse au questionnement de sa vie. Afin de ne pas brusquer son père il répondit à son injonctive de se taire et s’assit, non sans montrer à quel point il n’était pas heureux de le faire. Il avait bien fait d’ailleurs car il s’était attendu à tout, sauf ce que son père lui avoua. Priscus manqua d’ailleurs de tomber de la chaise sur laquelle il était assis et ne dû sa bonne fortune qu’à un bon réflexe qui le fit rester stable. Le nom tant attendu n’était pas du tout celui qu’il aurait imaginé. De plus au visage d’une mère, s’ajoutait une sœur inconnue et les détails scabreux de sa naissance. Il eut plusieurs minutes de silence durant lesquelles, les informations que son père venait de lui livrer, flottaient dans sa tête, tandis qu’il le contemplait sans le voir.

« Régina… Régina Andropova ?! La mage fondatrice ?  Une sœur ?... C’est quoi, caméra caché ? »

La meilleure arme de l’incompréhension : le déni. Priscus avait attendu sept ans pour ça ?! Il se sentait nauséeux. Son seul réconfort était de savoir qu’il n’était pas le fruit d’un viol ou pire encore. C’était au moins un réconfort dans la tourmente qu’il ressentait. Il se releva et remplie à nouveau son verre, qu’il avala cul sec. La colère s’était tapie derrière l’incompréhension et la surprise. Mais elle n’était pas loin. La débâcle de la conférence de paix était passé au second plan dans la tête de Priscus il n’y avait plus que cette révélation. Il était amer.

« Je n’arrive pas à y croire… Pourquoi avoir caché ça si longtemps et me le dire maintenant ?! Alors que le monde que j’ai toujours connu s’écroule, tu me prouves que ses moindres fondations, tout ce que j'ai toujours connu, a été bâti sur des mensonges. »

Il eut un rire sarcastique. Il ne savait pas quoi dire. Le jeune homme espérait qu’il allait se réveiller.

« D’autres supers nouvelles à m’annoncer pour enfoncer le clou ? Tu vas peut-être m’annoncer que j’ai un jumeau maléfique quelque part sur le continent. Allons-y ! Après tout on n’est pas à une nouvelle près. »

Saevus conserva son calme, indifférent à la crise de nerf de sa progéniture. Il décroisa cependant les jambes et fixa longuement son fils qui lui demandait s'il s'agissait d'une farce ou d'une mauvaise plaisanterie et pourquoi il avait décidé de lui dire seulement maintenant.

Le patriarche se leva, récupéra son verre et se dirigea vers le barman où son fils s'était servi et avait avalé sans prendre le temps de le déguster une rasade de son meilleur whisky.

_ Si tu dois te saouler... prend une autre bouteille, je te prie. Ce nectar n'est pas fait pour calmer les nerfs fragiles mais pour être déguster.

Il se servit un fond d'alcool et prit son verre pour en boire une petite gorgée. Il marcha vers le centre de la pièce, le regard dirigeait vers cette ville qu'il avait contribué à ériger et qu'il aimait tant. Il se plaisait de croire qu'il en connaissait les moindres recoins et qu'il était parvenu avant cette foutue soirée de clôture à gagner le respect et l'admiration de chacun de ses habitants. Il croyait qu'il avait crée une sorte d'utopie où les mondes pouvaient vivre sans se haïr ou se battre...

Mais l'époque glorieuse ou il pouvait marcher fièrement dans les rues de sa ville était derrière lui maintenant, il allait devoir se terreur au sommet de sa tour s'il voulait espérer survivre. C'était ce qu'un homme sage aurait fait. Mais Saevus n'était pas un sage.

_ Pourquoi maintenant ? Quelle question ? Parce que tu as respecté ta part de marché, Priscus. Donc j'ai respecté la mienne.

Il avait promis à son fils de lui dire l'identité de sa mère s'il se montrait compétent durant la convention pour la paix et le jeune homme avait rempli brillamment ses obligations. Saevus se tourna vers son fils et le regarda ou plutôt lui dévisagea. Il le scruta dans les moindres détails et un sourire doux finit par se dessiner sur son visage pourtant tirer par la fatigue et la tension accumulées depuis ces derniers jours.

_ Tu n'es plus un enfant, Priscus, dit-il avec douceur. Tu n'es plus un petit garçon qui pleure et gémit à chaque fois qu'il s'écorche le genou.

Il s'avança et arriva à la hauteur de son fils. Il posa une main sur l'épaule du jeune homme et la pressa légèrement.

_ Régina Andropova est ta mère et Ilaria Andropova est ta soeur. C'est un fait. Maintenant sois tu subis ce fait, sois tu l'assumes et tu en fais une force. Je pense que tu as assez fort désormais pour ne pas te laisser dépasser par les événements.

Il lâcha son fils et but une autre gorgée de whisky. D'une main il adora à l'holovision de se mettre en fonction. Un écran holographique s'afficha alors au milieu du salon. Saevus régla l'image sur la chaîne New-Phoenix News. Aussitôt des images d'une foule se pressant autour des tours Yaxley, brandissant des pancartes magiques ou moldus firent leur apparition. "A bas le traître", "Mort au tyran" ou "Yaxley Assassins !" Le patriarche regardait ce flot de haine contre sa personne sans faiblir, ni frissonner.

_ Tout ce qui ne te tuera pas, tu rendras plus fort... Un moldu a dit cela. Il s'appelait Nietzsche. Tu l'as peut être étudier en philosophie...

Une journaliste fit son apparition sur l'écran holographique et se mit à commenter la situation.  "Plus de 300 000 personnes se sont réunis aujourd'hui autour des tours de Yaxley. Ils étaient 250 000 hier. Tous demandent la démission du leader Saevus Leader suite aux terribles révélations du la soirée de clôture de la convention pour la Paix. Les autorités craignent aujourd'hui une véritable guerre civile entre les partisans de Saevus Yaxley qui refuse ces révélations et les habitants de la ville qui se sentent trahir par leur maire... C'est un bien triste jour pour le Nouveau Monde et cette ville qui était jusqu'à maintenant le symbole de l'alliance entre les deux mondes..."

_ Avec le temps, tu apprendras... et plus rien ne sera d'atteindre... et sinon, il restera toujours le whisky.

Il leva son verre comme pour porter un toast et en but la dernière gorgée.

Priscus savait qu’il se comportait comme un sale gosse. Franchement, il s’en fichait presque. Maintenant qu’il connaissait la réponse à la question qu’il avait toujours voulu connaitre, il se fichait même de ce qui s’était passé à la conférence de la paix. C’était terriblement égoïste mais ça n’avait pas d’importance en cet instant présent. Il n’avait que dix-neuf ans et parfois il se sentait encore un simple adolescent. C’était une période charnière de la vie où l’on devint un véritable adulte. La vie est déjà parée d’embuche mais les événements récents n’aidaient pas vraiment le jeune homme à se faire à cette période où il construisait l’homme qu’il serait plus tard. Il essayait de se représenter sa mère avec son père mais c’était encore trop nouveau pour lui pour que l’image puisse se représenter dans sa tête. Il était partagé entre le plaisir de pouvoir mettre un nom et un visage sous l’appellation de mère, et le désarroi face à cette révélation pour la mère de cœur qu’il avait toujours eu. Il avait toujours eu beaucoup d’amour pour Lyra Smith, sa belle-mère. Il était jeune et ne comprenait pas que l’amour puisse séparer des êtres. Dans son esprit, l’amour se devait d’avoir toujours le pouvoir de rassembler les gens et non pas de les séparer. C’était la naïveté de l’enfance qui ne parvenait pas encore à disparaitre.

Le jeune homme se prit la tête entre les mains. Il avait besoin de réfléchir au calme et de laisser passer la colère. Ce n’était pas en s’enivrant qu’il allait arriver à décortiquer toutes les nouvelles qui venaient de lui tomber dessus. Il voulait être certain d’être capable de bien choisir et de ne pas faire ou dire quelque chose de plus sous le coup de la colère. Quand il releva la tête d’entre ses mains, son père, lui avoua que la force de l’homme c’est juste de faire avec ce qu’il a et de vaincre l’adversité ou de se laisser emporter par elle. Priscus ne voulait pas se laisser emporter. Le jeune homme savait qu’il finirait pas paraitre plus stupide qu’il ne l’était et ce n’était pas ce qu’il souhaitait. Il avait besoin d’y réfléchir à tête reposée. Pour le moment, il était bon à rien. Le jeune homme se doutait que s’il n’avait pas été en colère ou surpris, il aurait pu mieux prendre toutes ses nouvelles. Il devait accepter la réalité et il avait toujours été assez fort pour comprendre. L’histoire ne s’écrit pas toujours avec de l’encre. Elle est bien souvent jalonné de sang et de mort où se mêle parfois les quelques joies et rêves de l’humanité. Il allait parler quand l’holovision de la pièce se mit en route probablement sur l’injonction de son père. On y voyait la foule et le mécontentement. La réaction même de ce qu’il avait ressenti. Il ne voulait pas voir ses images. Elles feraient resurgir la colère et il la savait très mauvaise conseillère. Cependant, si son père pouvait regarder ça et rester sur ses deux pieds sans réaction, il ne pouvait que tenir lui aussi. Il écouta les dernières paroles de son père et pris son courage à deux mains pour répondre :

« Je ne sais pas… Pour apprendre, il faudrait que je réfléchisse un peu mieux. Je ne crois pas pouvoir émettre le moindre commentaire ou la moindre réaction maintenant. Pour le moment, j’ai besoin de réfléchir. » Il s’interrompit en instant en regardant le journaliste commenter les images. « J’imagine que tu sais ce que tu fais. Je suis peut-être ignorant et je l’avoue, j’ai du mal à comprendre. »
Il se leva de la chaise et trembla. Il sentait encore la colère derrière lui tapis derrière l’incompréhension. Mais il ne voulait pas se laisser guider ainsi. C’était la mauvaise manière. Il avait laissé la colère l’encourager toutes ses années et même quand son père lui avait enfin donné ce qu’il voulait. Il respira un bon coup et repris la parole :

« Je dois y réfléchir mais il nous faudra reparler de ça. J’ai attendu longtemps et j’ai raté le moment d’apprécier ce que j’ai toujours voulu savoir. Je pense que ce n’est pas le bon moment pour en parler davantage. Tu as tes propres soucis » Il parlait en pensant aux événements récents « Il faudra du temps. Ils en auront besoin ainsi que nous tous. Mais on renait tous de nos cendres… Pourquoi pas toi. »

Il ferma un instant les yeux et se rappela que l’idéal des Partisans du Nouveau Monde s’était bâtit sur des mensonges et des faux-semblants. La duperie avait été à l’origine d’un projet fabuleux. Cela ne voulait pas forcément dire qu’ils ne pouvaient pas rendre possible cet idéal. Il regarda son père avec un autre œil : celui de l’adulte qu’il deviendrait et non pas de l’enfant qu’il avait été. Il était lui-même à la croisée des chemins et il n’était pas le meilleur juge que ce soit pour les choix de sa vie ou pour ceux de son père. Malgré ses colères et ses disputes, il n’oubliait pas que même si son père l’avait déçu, il restait son père. Il avait toujours dans son cœur d’enfant, la vision de ce héros qu’il voulait qu’il soit.

« Je ne suis pas bon avec les mots mais je me souviens de cette citation qui disait : souvenez-vous que tous les humains peuvent faire des erreurs et que les rois ne sont jamais que des humains. C’est peut-être ce dont ils doivent se rappeler. » Il désigna à nouveau l’holovision en un geste « Et peut-être ce dont j’avais besoin… »

Maintenant qu’il connaissait sa réponse, il voulait aller de l’avant. Peut-être découvrir ce que ces révélations pouvaient lui apporter de plus. Priscus ne voulait pas laisser le passé dicter son futur. C’était la fin d’un chapitre, balayé par des révélations et des secrets du passé. Une porte s’était fermée mais une autre s’était ouverte. Et derrière elle… son avenir.