E

lle n’en croyait pas ses oreilles. C’était impossible. Elle entendait les mots de Victor résonner dans son crâne comme si elle allait imploser. « Il vous ment à tous. Il ment même à sa femme et ses enfants depuis toujours. » Mensonge, toujours des mensonge, encore des mensonges… Chaque jour, chaque heure. Qu’il ait une maîtresse était un fait… Qu’il lui cache la vérité sur la mort de sa famille en était une autre. Lyra effaça rageusement une des larmes qui coulait sur sa joue et regarda en face d’elle la porte de son bureau qui était close. Jamais elle n’aurait pu lui faire une chose pareille… Alors comment lui pouvait-il lui faire ça ? Elle avait hésité à appeler Charles… Mais pour le moment elle avait juste besoin d’être seule.

La future maman se leva et sortit de son bureau pour aller vers la cuisine. Elle avait besoin d’eau… Elle ne pouvait pas se permettre malgré son état émotionnel de ne pas prendre soin des bébés. Apprendre cette nouvelle l’avait anéantie… Mais elle devait rester debout pour eux deux… Pour Hérès et pour Priscus qui n’avait désormais plus confiance en leur figure paternelle. Priscus sans doute plus qu’Hérès. Lyra passa par le salon quand les portes de l’ascenseur face à elle s’ouvrir sur Saevus. Elle le jaugea du regard avec une distance et une froideur qui ne lui ressemblait pas et repris son chemin en direction de la cuisine. Elle ne lui pardonnerait pas sa faute. Ca faisait trop de fois où elle se montrait trop gentille…

« Ne m’adresse pas la parole, ne cherche pas à me toucher ou à m’expliquer quoi que ce soit parce que je ne te croirais pas. Je ne te croirais plus. » dit-elle d’un ton froid et grave avec une pointe de colère et de souffrance qui se ressentait.

« ... »

L

yra bu son verre. Elle ne pouvait plus le croire, pas après tout ça… Ce n’était pas son premier mensonge et ce ne serait sans doute pas son dernier non plus, et c’est ce qui lui faisait le plus peur. Elle avait passé vingt ans de sa vie à dire oui sans jamais poser de question, à l’écouter, à l’aider, à l’aimer comme une bonne épouse le ferait, et pour quoi ? Pour apprendre que son mari, cet être qu’elle avait chéri, lui avait mentit depuis plusieurs années, lui mentait encore et la manipulait même. Lyra regarda froidement son époux et passa devant lui sans prêter attention à ses paroles comme si elle pouvait lui prouver que justement, si elle pouvait passer sa vie à l’ignorer s’il le fallait. En se dirigeant vers son bureau, Saevus s’imposa entre elle et la porte. Lyra croisa les bras et le fixa avec toute la haine possible dans ses yeux. Elle lui en voulait… Oh oui. Pour lui avoir mentit au sujet de sa famille mais également au sujet de Charles. La future maman tiqua au « Je ne suis pas comme lui… » de son époux. Si… Il était possessif, menteur, manipulateur… Jamais plus elle ne pourrait lui faire confiance. Saevus tenta de poser sa main sur le bras de sa femme mais elle s’écarta de son geste. S’il la touchait, elle savait qu’elle redeviendrait douce et tendre comme elle en avait l’habitude… Mais elle ne pouvait pas tous lui pardonner. Pourtant une partie d’elle-même se radoucit en entendant paroles de Saevus et elle sentit une larme rouler sur sa joue à nouveau… Cette expression sur son visage la hantait. Elle se rappelait de ce moment où son époux lui avait annoncé que Priscus devait faire partie de la famille, Saevus avait eu la même expression… Mais il s’agissait d’un bébé, qui n’avait rien demandé à personne et qui allait être perdu.

« Saevus… Je n’arrive plus à te croire. Comment est-ce que je peux savoir si tu me mens ou pas ? Comment je fais la différence ? Tu me dis que tu n’es pas comme ton père, mais tu es tout aussi égoïste et possessif qu’il l’était. Ne me dis pas le contraire, je sais que c’est toi qui a dis à Charles de rompre tout contact avec moi, ce que je comprends… Mais la compassion dont tu as fais preuve à mon égard par la suite n’était qu’une manipulation. Est-ce que tu sais à quel point j’ai souffert de ce que tu as fais ? Oui tu le sais, tu étais là ! Et tu as savouré ce mensonge de plus pour avoir ton épouse à toi et rien que pour toi. Et depuis des années, tu m’as mentis sur la mort de ma famille… Il y avait des enfants, des enfants que j'aimais, et tu ne m’as rien dis. Ne me parle pas de fardeau, je pense avoir gardé bien assez de tes secrets pour que tu saches que tu pouvais te confier à moi sans problème. Mais non… Tu m’as mentis… Et même humilié en ne me faisant pas confiance, en me montrant aux yeux de tous comme l’épouse parfaite mais qui au final est dupe de son mari. J’ai tout accepté pour toi Saevus… Tout ! Elever Priscus, te savoir en aimer une autre, ne plus revoir l’homme que j’aime. Je suis même enceinte de toi… Alors même si tu as besoin de moi… Dis-moi en quoi ? Comme ciment fondateur de notre famille ? Alors que même Hérès et Priscus n’ont plus confiance en toi ? »

Lyra avait vidé son sac… Elle en avait besoin. Les larmes avait coulé alors qu’elle parlait. Elle était debout face à son mari sans doute surpris de sa prise de parole.

« Je serais là Saevus. Parce que j’ai fais une promesse il y a des années à un homme que j’aimais et que je croyais honnête. Mais je ne te fais plus confiance et je ne sais pas si j’arriverais à nouveau à croire en toi un jour. Les seuls qui me font rester ce sont Priscus, Hérès et les jumeaux. Ma famille en qui j’ai confiance. »

« ... »

T

out aurait dû être parfait… Leur mariage, leurs enfants, leur bonheur. Mais non. Contrairement à tous les rêves de Lyra, à toutes ses envies et son instinct maternel, elle avait vu ce rêve s’effondrer devant ses yeux. Elle sentait cet homme qu’elle avait épousé il y a fort longtemps faillir sous son regard pour la première fois. Elle n’avait pas eu de mal à accepter Priscus… Mais là c’était différent. Totalement. Elle lui en voulait, pour tellement de chose. Et pourtant quand elle le regardait, là devant elle, elle savait que cette colère qu’elle avait à son égard allait être longue, mais pas infinie. Elle serait là, elle avait toujours été là et elle serait toujours là. Sans doute parce qu’elle avait un grand cœur selon les dire de plusieurs personnes, mais à ses yeux c’était juste une façon normal d’être.

Elle connaissait son époux, elle savait que garder son calme ainsi que prononcer ces mots devaient être dur. Dans un sens, elle fut même touchée par ses paroles. Elle le sentait partir et pourtant il était encore face à elle et il continua de lui parler… Lui parler avec des mots auxquels elle ne s’attendait absolument pas. Lyra avait beau dire qu’elle connaissait son époux, l’aspect de sa personnalité que Saevus lui offrait en cet instinct était inédit pour elle. La future maman sentait que c’était compliqué pour lui de parler, de s’ouvrir à quelqu’un. Elle ne fut pas surprise d’apprendre que d’autres choses lui avaient été cachées… Et elle ne lui en demanderait pas plus car sur ce point il avait raison… Elle n’avait pas à savoir tout ça et elle ne voulait pas le savoir non plus. La peau de Lyra frissonna lorsque Saevus posa sa main sur sa joue. Elle eut un léger mouvement de recul mais il garda sa main sur son visage sans qu’elle ne dise un mot, toujours trop surprise par les mots de son époux… A chaque parole, Lyra sentait la colère en elle diminuer légèrement… Elle ne se doutait pas que Saevus avait tant à lui dire… A se confier. Il se recula alors d’elle, soupirant que tout cela n’avait plus d’importance, mais ça en avait une bien au contraire…

« Saevus… Tu as beau avoir fait des erreurs et avoir fait du mal à beaucoup de gens, je ne pense pas que ton âme soit aussi noire que tu le prétends. Je comprends les raisons qui ont fait que tu ne m’aies pas parlé de tout ça mais… C’était ma famille. Et ce simple argument aurait dû te donner le courage de me l’avouer en face. J’ai beau avoir toute l’innocence et tout l’optimisme que tu voudras, je t’en veux énormément de m’avoir caché ça… Mais ça ne fait pas de toi un bourreau pour autant… Le simple fait que tu t’en rendes comptes et que tu veuilles le meilleur pour notre fils en ait la preuve. Il sera un excellent dirigeant comme il sera un homme merveilleux, j’en suis convaincue et ça grâce à nous deux. Tu n’es pas quelqu’un de mauvais… Je ne pourrais pas te permettre de l’être. Ne me dis pas que ça n’a plus d’importance car Héres sera un homme remarquable. »

Elle avait beau en vouloir à Saevus, elle était incapable de lui dire que c’était un bourreau car elle ne le pensait pas. Non… A ses yeux son mari avait juste fait les mauvais choix au mauvais moment et aujourd’hui tout cela lui portait préjudice. La colère en elle était toujours présente… Elle lui en voulait de ne pas lui avoir avoué tout ça, mais elle ne lui en voulait pas de la faute que son père avait commise.

« Ne pense pas que cela excuse tout pour autant… Cette convention c’était le mensonge de trop. »

Lyra recula à son tour et le regarda sans laisser passer la moindre émotion qu’elle pouvait ressentir. Seules les larmes qui avaient coulées auparavant étaient la preuve de sa tristesse et de son incompréhension. Elle passa sa main sur son ventre comme un réflexe de défense.

« Je suis ta femme et je serais à tes côtés jusqu’à la fin de nos vœux, mais je pense que je ne peux plus affirmer que je t’aime encore. »


« ... »

E

lle avait conscience que ses mots envers Saevus était durs, mais elle ne pouvait pas faire semblant. Au fond, malgré cette colère qui la submergeait, elle savait qu’elle tenait à lui. Mais de là à continuer de parler d’amour ? Les pensées se mélangeaient dans sa tête… Les larmes coulaient sur ses joues sans qu’elle ne puisse les contrôler. Elle sentait ses joues s’humidifier, ses yeux se rougir et ses mains trembler sur son ventre légèrement rond. Sa grossesse était encore difficile à voir à l’œil nu, mais elle sentait néanmoins cet effet que seul une femme peut comprendre. Ce sentiment de changement, d’avoir quelque chose en soit qu’on ne connait pas, qu’on ne voit pas, mais qu’on sent et qu’on sait qu’elle va changer notre vie entière. Mais une pensée faisait vraiment peur à Lyra… Celle d’élever ces enfants mais sans cadre familial stable et durable. Comment élever un enfant sans lui montrer qu’on aime celui avec lequel on l’a conçu ? Comment lui prouver que rien ne changera et que ses parents l’aimeront toujours ? Ces questions se bousculaient dans sa tête en plus de la colère qu’elle éprouvait envers cet homme avec qui elle avait partagé tellement auparavant. Mais elle était tombée amoureuse d’un autre, tout comme lui d’une autre… Elle avait bafoué ses valeurs et ses principes mais elle ne le regrettait pas une seule seconde quand elle repensait à ce moment où elle s’était donné à un autre homme… Un homme qui l’aimait, qui lui avait prouvé, que l’a regardait avec des étincelles dans les yeux… Choses qu’elle n’avait pas vues depuis longtemps dans ceux de son mari.

Soudain, son époux lui tendit un mouchoir et elle le saisit doucement sans pour autant cesser de pleurer. Et les mots qu’il lâcha la glacèrent sur place. Lyra releva la tête vers lui, serrant le mouchoir qu’il lui avait donné dans la main. Un homme pas fait pour elle ? Vraiment ? A l’intérieur Lyra bouillonnait… Elle sentait ses poings se serrer. Pour qui se prenait-il pour prétendre savoir ce qui est bien pour elle ou pas ? Pour juger Charles alors qu’il le connaissait autant qu’elle ? Pour penser valoir mieux que lui sous prétexte que « rien de durable » ne peut se construire avec lui ? La colère montait en elle… Non. Elle ne devait pas s’énerver. Pas maintenant. Elle avait déjà assez pleuré… Trop eut d’émotion forte pour les années à venir.

« Je pense que tu es une personne bien mal placée pour prétendre savoir tout ça. » se contenta-t-elle de dire sur un ton qui ne tolérerait aucune réponse, et elle continua tout aussi rapidement. « D’accord… Je serais dans mon bureau, j’ai encore du travail à rattraper à cause de la Convention. Je dois travailler le nouveau dossier pour les actionnaires… »

Sous-entendu à cause de ce qui s’est passé lors de la clôture de la Convention. Son entreprise allait sans doute en pâtir et ceux qui étaient contre elle allaient sans doute s’en réjouir. La future maman, ne voulant pas le regarder, les larmes coulant toujours sur ses joues, se décala et passa outre son mari vers la porte de son bureau. Elle posa sa main sur la clenche et stoppa son action, une pensée la tourmentant.  

« On aurait pu être heureux. Tu le sais ? »

Et sans attendre de réponse elle entra dans son bureau et s’enferma, lâchant un soupir un las de cette entrevue.



« ... »